Présentation
Anolga Rodionoff
Les territoires saisis par le virtuel
Tandis que la ville est saisie de toute part par le virtuel, certains affirment que celui-ci se substituerait dorénavant à la réalité sensible et concrète. Ainsi, la ville disparaîtrait à la faveur d’un monde virtuel auquel nous serions tous connectés en permanence. D’autres, au contraire, estiment que virtuel et réel sont de même nature et que rien ne les distingue. Cependant, le virtuel apparaît comme un monde qui a sa réalité propre et qui, sans cesse, appelle le monde sensible et concret.
Tant les pratiques sociales du virtuel (internet, téléphonie mobile, etc.), qui ont des incidences sur les territoires, que l’exploration du virtuel par les architectes, même marginale, incitent à soutenir une telle hypothèse. La ville et l’urbain montrent en effet que deux types de monde se mélangent, s’hybrident et se soutiennent sans pour autant se confondre: le monde virtuel et le monde concret. Si les théories urbaines actuelles dévoilent un espace et un temps inédits, elles conduisent également à penser, d’une part, les liens entre les espaces physiques et les «espaces» du virtuel et, d’autre part, les liens entre le temps existentiel ou sensible et le temps réel ou temps des transmissions électroniques et numériques.
Comprendre l’urbain oblige dès lors à un regard qui fait la part belle aux liens et aux passages, et que les stoïciens ont théorisé dans leur physique. Un tel regard permet alors de se situer dans un monde de plus en plus complexe et de se repérer dans un environnement qui apparaît de plus en plus globalisé et sans limites.
«Une première partie revient sur les principes, au cœur de la logique de la communication, qui structurent l’architecture dite postmoderne, pour mettre l’accent sur l’un d’eux, la simulation. Pour mieux apprécier cette logique et cerner la logique de la production qui la précède, revenir aux principes de la logique de production structurant l’architecture moderne et à sa critique puis à celle de la ville moderne s’imposaient. Ce sont ces perspectives, dans un premier temps, qui sont travaillées et qui interrogent et questionnent tant des conceptions de l’espace que la simulation.
La seconde partie s’intéresse ensuite tant à l’architecture qu’à la ville ou à l’urbain traversés par le virtuel. À travers leur exploration du virtuel, les architectes dévoilent-ils les traits d’un espace inédit? Quant aux théories urbaines, comment envisagent-elles le virtuel et son rapport à l’espace physique? Et conceptualisent- elles le virtuel? Si l’espace et la géographie sont questionnés, attentives à l’hyper-mobilité, les théories introduisent également à une réflexion sur temps. Rendent-elles ou non compte de la dualité du temps et comment? Considèrent-elles et en quels termes le rapport du temps virtuel, ou temps réel, au temps existentiel?
Enfin, une troisième partie interroge le virtuel et son statut. Déborde-t-il de sa dimension technique pour devenir un paradigme et de l’espace et du temps? Ou alors invite-t-il à saisir via une «pensée du mélange» deux sortes et de temps et d’espace et à comprendre leurs relations ou leurs liens respectifs? Mais les pratiques et les usages du virtuel, en désolidarisant le temps de l’espace, en introduisant un autre espace et un autre temps, n’interrogent-ils pas plus frontalement la perception et ses conditions. Comment en effet se situer et percevoir ce monde global où virtuel et réel se soutiennent mutuellement.»
Extrait de l’introduction
Anolga Rodionoff est maître de conférences en sciences de l’information et de la communication à l’université Paris VIII, architecte diplômée de l’École spéciale d’architecture.
Sommaire
— Architecture: d’une logique de la production à une logique de la communication
D’une critique de la ville moderne; D’une critique de l’architecture de la production; Des mots aux choses ou vers une architecture de la communication
— L’architecture et l’urbain face au virtuel
Architecture: de la simulation au virtuel; La rencontre entre le virtuel et la ville ou l’urbain; Des espaces et des temps dans l’urbain
— Le virtuel: un paradigme?
Le virtuel comme paradigme du temps et de l’espace?; Des conditions du paysage et des conditions du regard