Et si la sculpture trouvait son origine dans la peinture ? Voici le postulat de départ de la nouvelle exposition de Raphaël Zarka. Depuis une dizaine d’années, cet artiste collectionne les formes à la manière d’un archéologue. Des formes abstraites, pensées, construites qui ont traversé les âges et qu’il ne cesse de recenser ou de réinterpréter.
On se souvient de son étonnante obsession pour le rhombicuboctère, cette figure géométrique étudiée par Archimède puis Léonard de Vinci. Quand Raphaël Zarka la redécouvre en 2001 sur le bord d’une route, il ne la lâchera plus et en multipliera les répliques.
Cette fois, cet ancien pensionnaire de la Villa Médicis s’empare d’une clé de châssis, repérée dans le tableau de Dürer La Mélancolie. Un petit objet en bois, mi triangle mi rectangle, que les peintres utilisent au dos de leurs toiles pour en ajuster la tension. En l’agrandissant et en la démultipliant, Raphaël Zarka s’en sert ici comme point de départ d’une série de sculptures et de dessins.
Le résultat est saisissant. Monumentales, massifs, les trois Prismatiques s’imposent d’emblée dans le vaste espace de la galerie. Chaque œuvre se compose de modules identiques en bois de chêne, qui se déploient tel un jeu de construction. Ils forment ici un étrange totem, là une étoile brisée…
L’artiste les a taillés d’un seul trait de coupe, net et déterminé, qui en se mêlant aux veines naturelles du bois semble inventer une écriture. Sur les murs, des dessins préparatoires prolongent cet ensemble à la beauté brute, dévoilant ainsi bien d’autres combinaisons possibles.
«C’est presque insulter les formes du monde de penser que nous pouvons inventer quelque chose», écrivait Borges. Raphaël Zarka a fait de cette citation un leitmotiv. En véritable chercheur, il s’intéresse à la «migration des formes» à travers l’Histoire. Celles qui, un temps oubliées, ressurgissent différemment selon les époques et acquièrent de nouvelles fonctions.
Pour y parvenir, Raphaël Zarka se mue en collectionneur. Des archives de musées aux bibliothèques, il traque la résurgence des motifs. Loin d’être choisies au hasard, ces formes appartiennent à la géométrie, la physique comme à la culture populaire. Car, l’artiste ne cache pas sa fascination pour les sciences ou encore le constructivisme, le minimalisme des années 60 et les recherches des peintres de la Renaissance.
D’ailleurs, la troisième partie de l’exposition montre une série d’images noir et blanc extraites d’une collection que Raphaël Zarka développe depuis plusieurs années. On y découvre la Nécropole des Grotticelli, l’autel qu’installa Goethe à Weimar pour son amie Charlotte von Stein, les «Stellations» de Max Bruckner… Autant d’images qui témoignent des recherches de l’artiste et inscrivent son travail bien au-delà d’un aspect purement formaliste.
Å’uvres
— Raphaël Zarka, Prismatique (2), 2011. 16 pièces de bois assemblées. 250 x 130 x 30 cm
— Raphaël Zarka, Les Prismatiques, 2012. Vue de l’exposition.
— Raphaël Zarka, Prismatique (7), 2011. 16 pièces de bois assemblées. 240 x 96 x 30 cm
— Raphaël Zarka, Les formes du repos. Dix ans après, 2011. Tirage lambda contrecollé sur aluminium, encadrement bois et verre. 70 x 100 cm
— Raphaël Zarka, Prismatique, 2011. Encre sur papier, cadre en bois et verre. 45 x 64 cm