Pierre Beloüin, Yann Leguay, Marc Parazon
Les pôles magnétiques
Pierre Beloüin, Yann Leguay, Marc Parazon questionnent et réinterprètent à leur manière l’obsolescence des systèmes de stockage, avant la dématérialisation des données inhérente à notre époque informatisée. A travers le support bande ou disque utilisé de manière augmentée, et exploitant les qualités et défauts physiques et techniques intrinsèques des appareils de lecture, les trois artistes, jouent sur la matérialité du son et transforment les supports d’enregistrement ou de diffusion en matière première.
En repoussant les limites matérielles des supports physiques, Pierre Beloüin, Yann Leguay et Marc Parazon cooptent dans un dispositif qui s’apparente à une machine étrange, sonore et mécanique, une disposition imbriquée aux contours flous en relation avec l’interdisciplinarité qui caractérise leur créations respectives.
Revendiquant la pratique de l’art comme moyen de collaborations, Pierre Beloüin est le cœur d’un réseau ouvert multipliant les ramifications et le développement de projets en tout genre (du partenariat au commissariat en passant par l’édition de disques, de badges, l’organisation de concert, etc.). Ce qui signe d’emblée ce travail, c’est le désir affirmé de multiplier les champs plutôt que de les soustraire et d’inscrire ainsi sa pratique au sein du label Optical Sound (dont il est le créateur) dans sa production plastique.
Qu’elle soit jouée ou citée, la musique, son actualité et son histoire, ses codes et ses croisements, constitue donc le socle à partir duquel tout s’élabore. Et c’est alors en Homme orchestre, Pierre Beloüin se présente, autoportrait à la cravate blanche sur chemise rouge, aussi décalé et faussement naïf que le morceau exotica qui tourne en boucle et accompagne l’installation. C’est sans doute parce que la musique dépasse son seul territoire, qu’elle emporte avec elle un lifestyle et appelle la conscience et la révolte, le plaisir et le jeu, qu’elle fascine. Pierre Beloüin semble annoncer son désir de faire basculer définitivement dans le champ de l’art cette attitude frondeuse et résistante. Aux manettes d’un projet dont un des buts pourrait être celui d’affirmer le rapprochement, voire la fusion, des disciplines artistiques, il met en œuvre les moyens d’une attitude dans la forme.
Yann Leguay est un artiste sonore basé à Bruxelles. Défini comme «media saboteur» par le label Consumer Waste, il cherche à plier la réalité sur elle-même en utilisant des moyens simples sous la forme d’objets, d’éditions, de vidéos ou lors d’installations et de performances qu’il réalise dans divers lieux et festivals internationaux.
Son mépris flagrant pour les normes admises en musique l’amène à s’approprier des outils industriels dans ses créations sonores. En concert, il utilise une meuleuse pour détruire un microphone amplifié ou encore se sert de disques durs comme tourne-disque. Ses productions résultent de ses déviances: des disques vinyle 45T sans trou central, un album composé d’enregistrements de vinyles rayés au scalpel.
A tape end de Marc Parazon est une installation questionnant à la fois l’aspect plastique de la bande magnétique et la spatialisation sonore. L’idée plastique de l’installation à été inspirée d’une œuvre de la plasticienne Chiaru Shiota où des fils noirs occupent l’espace d’exposition du sol au plafond dans un enchevêtrement complexe et dense.
La musique est une composition de type électro-acoustique préenregistrée sur les bandes. Elle développe un univers atmosphérique à base de nappes composées de voix réverbérées, de craquements de disques vinyls ainsi que de synthèse analogique.
Des voix éparses ponctuelles viennent apporter une dynamique et permettent au spectateur d’appréhender les délais et la spatialisation de manière plus évidente.