Communiqué de presse
Jean-Marie Blanchet, Hervé Bréhier, Nicolas Durand, Olivier Soulerin
Les Peintres / Les Constructeurs
Les matériaux et les outils traditionnels du peintre ont fait place à de nouveaux standards issus de l’industrie. Ces produits, aujourd’hui largement commercialisés et distribués, ont radicalement transformé les processus de production des artistes ainsi que la lecture de l’œuvre, dont l’une des réactions collatérales a été l’abandon d’une certaine symbolique de la couleur. Cette dernière investit dorénavant simultanément notre environnement quotidien et le champ de l’art, qui partagent désormais ce même vocabulaire. Fabriquée grâce à des procédés chimiques et technologiques, la couleur devient un produit culturel et le véhicule d’un message. On assiste à un envahissement de codes colorés dont les fonctions varient selon l’usage. Ces associations sont tout sauf naturelles tant elles sont pleinement intégrées par notre subconscient.
Des chartes colorées sont inconsciemment intégrées par tout un chacun et amplement utilisées par les entreprises dans leurs stratégies de communication. La couleur est maintenant un consommable. Se pose alors la question du libre arbitre, la couleur étant de prime abord assimilée à une certaine subjectivité. Ce choix n’est-il pas davantage suggéré par nos modes de communication et de consommation ? Ces usages, ces fonctions, ces messages sont-ils encore compréhensibles ? Nous avons tant assimilé ces notions qu’il semble aujourd’hui étrange de s’interroger sur ces dernières. «La couleur devient le lieu d’une surcharge culturelle, non plus celle attendue lors de son élaboration par l’artiste, mais celle que le monde industriel et marchand y investit, celle de l’usage que nous en faisons sans même nous en apercevoir dans notre environnement. Permettant ainsi un va-et-vient constant de l’œuvre à l’environnement, la couleur réintroduit dans le contexte de l’art une valeur d’usage. Et c’est la reconnaissance de cette valeur d’usage, dont est dotée la couleur industrielle, qui produit ce mouvement d’import-export, ou une réciprocité constante des regards».
De plus en plus exemptes d’émotivité, les couleurs conservent néanmoins des particularités physiques qui influent sur la perception de l’œuvre. Elles jouent sur la densité de la matière, le volume est présent dans sa masse ou au contraire se fait plus diaphane. «It’s best to consider everything as a color », disait Donald Judd. La couleur, en tant que surface, est souvent considérée une «anecdote de la forme», comme le mentionne Carlos Cruz-Diez. Pour ces expositions, la couleur devient forme et n’est plus tributaire de celle-ci. Elle est un matériau au même titre que les autres éléments constitutifs de l’œuvre. Mais elle est aussi présente de manière plus intrinsèque, à même le matériau.
Les œuvres de cette première gradation, Les Peintres / Les Constructeurs, opèrent un glissement continuel entre la surface de la peinture et l’espace de la sculpture. Elles sont, comme le définit Georges Didi-Huberman, des «images-contacts» dans lesquelles réside «un tâtonnement dialectique de la main qui cherche à voir et de l’œil qui cherche à toucher». L’optique et le tactile s’entremêlent. Les œuvres mettent en volume la couleur et la peinture. Elles possèdent un poids et une présence qui restent intimement liés à l’architecture, à la construction et à l’espace d’exposition bien que les artistes ne fondent pas leurs démarches respectives sur une pratique de l’in situ. Chacun d’entre eux a une pratique dite d’atelier. Cependant, comme le souligne Merleau-Ponty,«toute vision a lieu quelque part dans l’espace tactile».
Au cours de ses deux gradations, le cycle «Expanding Color» voit la couleur s’affranchir peu à peu de la surface plane pour se propager et investir l’espace tridimensionnel. Dans le premier volet, «Les Peintres/Les Constructeurs», le visiteur est davantage confronté à des «Site-dependent sculptures» face aux œuvres de Jean-Marie Blanchet, Hervé Bréhier, Nicolas Durand et Olivier Soulerin tandis qu’il éprouvera des « Site-specific sculptures » grâce aux interventions de Christophe Cuzin, Clemens Hollerer et Krijn de Koning au sein de la seconde exposition «A Space in Color».