L’exposition « Les objets domestiquent » au Frac Nord-Pas-de-Calais s’intéresse aux objets et aux rapports que nous entretenons avec eux. Les œuvres de trente artistes contemporains invitent à se pencher sur le statut des objets dans une société où leur omniprésence les a rendus comme invisibles.
Quand le design explore notre rapports aux objets
A travers sa collection consacrée au design, le Frac Nord-Pas-de-Calais dispose d’un support idéal pour explorer les multiples aspects de la notion d’objet. Qu’il s’agisse d’artefacts, de pièces d’art décoratif ou de mobilier, de peintures, de sculptures ou de vidéos, de nombreuses œuvres prennent appui sur des objets du quotidien. En les utilisant, en les détournant, en les mettant en perspective ou en leur assignant de nouvelles utilités, elles questionnent la façon dont ces objets investissent nos vies et le rôle qu’ils y jouent.
Le designer néerlandais Tejo Remy fait partie des pionniers, au début des années 1990, dans l’utilisation de matériaux de récupération pour réaliser de nouvelles pièces aussi fonctionnelles qu’esthétiques, comme la Rag Chair, un ensemble de tissus liés par des sangles. Sa méthode de travail fondée sur le recyclage est sous-tendue par une réflexion sur notre rapport aux objets que nous acquérons, accumulons, puis jetons, à l’infini. Comment choisissons-nous les objets avec lesquels nous cohabitons, qu’est-ce qui détermine la fin de leur usage ? Qu’est-ce qu’un objet neuf ? Les œuvres de Tejo Remy s’inspirent de ces questions pour faire évoluer notre regard sur la manière de percevoir, de s’approprier et d’utiliser et réutiliser les objets qui nous entourent.
Les objets nous domestiquent-ils ?
La critique sociale que portent les œuvres de Tejo Remy se retrouve également chez les designers Matali Crasset et Konstantin Grcic, tandis que la vidéo de Gerard Byrne consacrée à l’industrie automobile et celle de Claude Closky autour des magazines de mode démontrent non sans humour comment les objets déterminent notre intégration sociale.
Deux masques verts, à la chevelure abondante et grimaçant de façon féroce, font écho aux théories du philosophe et sociologue Bruno Latour sur les « objets chevelus », les sujets polémiques qui traversent l’ensemble du monde. Cette œuvre intitulée AAA et signée par Andreas M. Fohr se réapproprient le principe des fétiches traditionnels. Composée d’éléments fabriqués hétéroclites, elle montre comment les objets s’inscrivent dans un réseau de significations.
Si les classements d’objets effectués par Hans Peter Feldmann, d’innombrables images et objets divers collectés et présentés par séries, mettent en évidence notre position de supériorité sur les objets, l’exposition s’attache à remettre celle-ci en question. Notre société est envahie par les objets, qui finissent par investir et formater notre monde intérieur. Les objets nous domestiquent-ils ?