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Les Nymphalides

PMarguerite Pilven
@12 Jan 2008

Exposition de vingt années de travail de Paul-Armand Gette, années pendant lesquelles cet artiste autodidacte nous a convié à partager ce plaisir hédoniste qui le lie aux êtres et aux choses, plaisir à la source même de son travail.

Dans ses premières séries, Paul-Armand Gette photographie toujours de très jeunes modèles, guettant un moment propice pour voler leur image. Il y a le cadre, le prétexte de départ : une promenade sur la plage avec deux petites filles, une partie de tennis avec une nièce, et l’occasion, ce moment où elles se penchent pour ramasser un coquillage, une balle, et qu’il photographie. Rapt, moment où le regard de Gette s’est délecté, non sans perversité, de ce passage d’un geste vers un autre, de cet état transitoire qui a fait remonter les jupes ou plaquer le short contre les fesses.

Viennent ensuite d’autres séries photographiques, en couleur et de plus grand format, que Gette compose. Du rapt enregistré, on passe à la mise en scène très orchestrée de petites histoires dans lesquelles le plaisir du toucher se joint à la délectation visuelle, avec la complicité, cette fois-ci, de modèles plus âgés. La main de Paul-Armand Gette passe de l’autre côté de l’objectif, franchissant l’espace qui le sépare de son modèle pour saisir son pied délicatement bronzé. Sur la photo suivante, c’est la paume du modèle qu’il prend, une paume ouverte au creux de laquelle est posée un coquillage renversé.
Ces vues fragmentées, raccourcis subtils d’une rencontre entre deux corps suffisent à mettre en branle le jeu des équivalences et des analogies : la paume de la main, plissée, chaude, parfois humide, réceptacle de ce coquillage au creux rose visible, le doigt de Gette, assez d’indices, semble-t-il, pour rendre galopantes nos interprétations.

Des vulves, l’artiste en voit lui-même partout. Il nous fait voir cette obsession dans les fleurs et les fruits qu’il photographie, dans les troncs d’arbres entaillés, renouant finalement avec une vision paganiste où la Nature est femme et dont les petites déesses chthoniennes à la fente bien visible sur le bas-ventre célébraient déjà la générosité.

Au fond de la galerie, un buste de Vénus en plâtre est recouvert d’une veste de l’artiste. C’est vrai que cet idéal de beauté au marbre sage peut bien aller se rhabiller puisque c’est de plaisir tactile qu’il s’agit ici ! Comme pour la malmener encore un peu, Gette place à ses côtés huit grandes photographies de bustes féminins partiellement recouverts de la même veste. Le plan rapproché met en valeur le grain de la peau, ses plis et ses imperfections, sa tendresse, finalement.
Une autre pièce toute entière consacrée au thème du bain fait voir des nymphéas flottant dans un lavabo ou déposés au creux d’un bidet, une baignoire somptueuse aux pieds dorés sur laquelle repose une serviette de bain rose brodée aux initiales de l’artistes, autant de vues photographiques renvoyant aux ablutions que les nymphes de l’Antiquité pratiquaient loin des regards. Et puisque cette fois-ci la rencontre est impossible, ne reste plus à Gette qu’à conjurer leur invisibilité en évoquant le passage des créatures en ces lieux par le dépôt de ces objets symboliques.

La belle Diane et le pauvre Actéon que l’insolence du regard mena à la perte sont les deux figures autour desquelles s’articulent les photographies de la dernière salle. Version 2000 de la déesse lunaire : une jeune fille vêtue d’une robe à l’imprimé militaire de camouflage, façon de rappeler à quel point Diane était désirable par le seul fait de demeurer insaisissable, figure clé du fantasme sexuel que célébrait déjà Klossowski.

Mais nul sentiment de culpabilité ou de transgression n’habite l’univers de Gette où rien n’est jamais pathétique ni sentimental. Simplement hédoniste, subtilement libertin.

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