ART | CRITIQUE

Les Nébuleuses

PSilvia Cazacu
@12 Jan 2008

Entre Duchamp et Panamarenko; au croisement de l’anthropologue, de la généalogie, de la biologie ou du naturalisme; et empreints d’une poétique désuétude surréaliste, les assemblages hybrides, les dessins et les collages de Van Caeckenbergh soutiennent une conception de la vie à la fois ludique et grave.

Les Bondieux: des sculptures de taille humaine composées de grandes marmites, d’armures tubulaires, de fourchettes et de couteaux. A côté, les dessins préparatoires. Le Landeau: une coquille de nautile convertie en maquette de voiture pour enfant. L’Estomac: un véhicule à roulettes et une grande théière en forme d’estomac humain. Des singes assis à une table — une photographie trouvée dans un livre ancien, légèrement travaillée et agrandie. Le Dais. Le ciel à la porté de tous: une sorte de carrousel, une sculpture à base cylindrique suspendue au plafond.

Patrick Van Caeckenbergh est un perfectionniste. Ses œuvres sont toujours rigoureusement construites, sa technique est impeccable. Mais la plus parfaite exécution formelle est mise au service de la plus totale inutilité. Comme un défi lancé aux lois de l’économie et de la rentabilité, elle est dépensée en pure perte.

En fait, les éléments soigneusement dessinés, le refus de l’imprécision et du hasard, sont là pour soutenir une réflexion philosophique sur l’existence (A pied d’œuvre, 1978-1984), sur le monde (Abracadabra, 1984-1991), sur la futilité à vouloir ordonner le chaos (Les Nébuleuses, 2001).

Sous l’apparence d’un inventaire des absurdités ludiques, Patrick Van Caeckenbergh propose un univers familier et sensible, empreint de la poétique désuétude du surréalisme. Sa vision artistique avoisine celle du vieux Duchamp, ou celle, plus contemporaine, de son compatriote, le belge Panamarenko.

Endossant tour à tour le rôle de l’anthropologue, du généalogiste, du biologiste ou du naturaliste, Van Caeckenbergh conçoit ses assemblages hybrides, des dessins et des collages pseudoscientifiques, pour soutenir une conception de la vie à la fois ludique et grave.

« Bien plus bricoleur de la pensée que de la forme », Patrick Van Caeckenbergh poursuit, en totale liberté, le vieux rêve de domestiquer l’univers, et de placer l’ »humble matérialité » de l’artiste en son centre. Pour lui, la réalité se compose d’un intérieur (la maison), lieu de tolérance, et d’un extérieur (le monde), territoire de la censure. Selon un principe de réalité analogue au système digestif qui recycle en séparant l’essentiel vital et du surplus inutile.

Le creuset de l’alchimiste Van Caeckenbergh est plein de choses : des restes de la  » ruine  » effective ou imaginaire d’objets, des collections de souvenirs, des lieux de savoirs ou de faux savoirs scientifiques. Tout est mélangé avec soin et précision. Gérés par une mémoire fonctionnant comme un stock de données, les objets sont structurés par des opérations de sélection, de combinaison, de reconversion et de commutation. De ces opérations en quelque sorte digestives résultent des structures imaginaires qui parlent de la vaste étendue du vivant et de la précarité du savoir.

Patrick Van Caeckenbergh :
— Le Saisonnier, 2001. Collage-photographie. 168 x 100cm
— Les Nébuleuses, 2001. Photographie. 68,3 x 103,3 cm
— Le Dais, 2001. Sculpture à base cylindrique suspendue au plafond. Haut. 2,50m ; diam. 2,50m.
— Le Dais, 2001. Maquette (boîte). 47 x 73 cm, prof. 46 cm.
— Le Landeau, 2000. Maquette : 63,6 x 33 cm. Et collage : 92,7 x 83,6 cm.
— L’Estomac, 2001. From « Fluitketel ». Sculpture et petit collage. 41 x 93 cm
— L’Estomac, 2001. From « Fluitketel ». Maquette (boîte) : 64 x 68 cm, prof. 36,5 cm.
— Mr. Bondieu, 2001. Une sculpture de taille humaine, style armure de marmites. Photo: 109 x 183 cm. Et collage : 98 x 100,5 cm.

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