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Les Invisibles

Contemplant de trop loin les œuvres de Stéphane Sautour, l’innocent spectateur se fourvoie, croyant avoir affaire à des photographies, peut-être d’origine scientifique. Si incrédule, il se rapproche, le subterfuge s’évanouit alors, puisque de dessins au charbon il s’agit.

De fait, chez Stéphane Sautour, tout est question de foi. Revisitant l’imagerie scientifique, planètes au bord de l’implosion, éclairs fugaces, rosées matinales et autres phénomènes naturels, l’artiste semble sacrifier à une mimésis candide.
Pourtant, à y regarder de plus près puisque tel semble être le mot d’ordre, l’on est tenté de supposer que, sous le fusain virtuose de Stéphane Sautour, les visions de l’homme de foi et du scientifique sont étonnamment semblables. Où l’on apprend qu’il n’y a pas loin d’une supernova à une Apocalypse…

Muni de son noir charbon comme d’un divin outil, l’artiste reproduit, semble-t-il avec austérité et déférence, les figures silencieuses et somptueuses de notre monde. Hiératique beauté. Dans l’univers primordial qui s’offre à notre regard, il y a ces paysages, regs inhospitaliers et anhydres, qui saturent l’espace de pierre. Il y a ce soleil noir au moment de la mort, cette étoile qui implose. Il y a la beauté minuscule de la rosée qui s’étire indolemment sur des toiles arachnéennes. Puis les éclairs, lumières griffantes qui lacèrent les nuées. Et une béance. Dont on ne saurait dire si elle est reliquat d’une gigantesque explosion ou micro trou insignifiant.

Est-ce réellement important, par ailleurs, de le savoir? Stéphane Sautour, s’il recréé la beauté terrestre, n’hésite pas à nous rappeler que ses dessins sont illusions, en découpant ses toiles, en scandant ses formats.
Les noirs, les blancs et les gris se confondent, se confrontent, s’interpénètrent ou s’ignorent, collapsent. Superbe des étoiles qui meurent ou grandiloquence des ciels qui se déchirent, les figures invoquées par Stéphane Sautour, prétendument scientifiques, n’en appellent pas moins à un imaginaire religieux prégnant.

Imaginaire d’autant plus présent que Stéphane Sautour fait surgir du néant, tel un démiurge, ces imposantes figures. Car les aspérités des blancs et des gris trahissent la couleur qui s’ajoute et fait advenir du noir quelque forme. Par exemple, les fulgurances lumineuses qui émaillent le noir profond du tableau Iltaaurinko (6), trahissent la présence de la planète au bord de l’implosion. La lumière comme indice de la présence… Divin, vous avez dit ?

Paradoxal plutôt. Ou dialectique. Car, bien que s’inspirant d’une imagerie scientifique, Stéphane Sautour, par la magie de son intervention artistique, redonne son «aura» benjamienne à ces images qui ont subi «la reproductibilité technique».

Manifestations divines ou réactions chimiques, amas de pierres ou paysage céleste, mort d’une étoile ou Apocalypse prospective, des ciels ou des Cieux ? Tels sont les enjeux latents des dessins (faussement ?) apologiques de Stéphane Sautour.

Liste des œuvres
— Stéphane Sautour, Läpi, 2010. Charbon sur papier marouflé, 150 x 150 cm
— Stéphane Sautour, Myrsky (2), 2010. Charbon sur papier marouflé, 120 x 75 cm et 30 x 175 cm
— Stéphane Sautour, Myrsky (1), 2010. Charbon sur papier marouflé, 150 x 120 cm
— Stéphane Sautour, Iltaaurinko (6), 2010. Charbon sur papier marouflé, 150 x 150 cm
— Stéphane Sautour, Hämähäkinverkko, 2010. Charbon sur papier marouflé, 137 x 150 cm et 150 x 59 cm
— Stéphane Sautour, Maisema, 2010. Charbon sur papier marouflé. 144 x 180 cm

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