Au Centre national de la Photographie, l’Atelier est au sous-sol. Autrement dit, à la cave. Le visiteur descend donc l’escalier, et voit venir à lui, surgissant du fond d’une salle obscure, le maître des lieux: un gros rat blanc, à l’allure débonnaire. Mais (heureusement) il n’en franchit pas le seuil.
Une paroi transparente semble l’en empêcher. Il en renifle les contours, à l’affût d’une brèche. Sans résultat. Il s’en retourne dans le noir, pour réapparaître quelques secondes plus tard, et reprendre son inspection olfactive. Il se dresse, immense sur ses pattes arrière. Et repart, indifférent. L’escalier qui descend vers le deuxième sous-sol est de même obstrué. Un autre rat, le même ou son double, y poursuit un identique manège.
Le visiteur est pris au piège, il ne peut que revenir sur ses pas, remonter à la surface, au grand jour, un peu ridicule peut-être. Lilliputien, balançant entre effroi et empathie, au domaine des rats géants, c’est lui l’intrus. Dans ce monde, non pas hostile, mais étrange, et pourtant si familier, il est l’objet d’une indifférence presque humiliante, quoique rassurante.
Depuis des années, Bertrand Gadenne, par le bais de dispositifs de projection souvent ingénieux, d’images fixes ou animées, aime à provoquer ce genre de situations ambivalentes, qui interrogent notre rapport à l’idée de nature, et particulièrement à l’animalité, si proche, et devenue si lointaine.
Bertrand Gadenne
— Les Intrus, 2002. Installation vidéo.