ART | EXPO

Les inspirés

11 Juin - 07 Sep 2008
Vernissage le 10 Juin 2008

Augustin Lesage était un peintre atypique. De puissants esprits lui auraient ordonné de troquer sa barrette de mineur contre des pinceaux et des peintures. Ses oeuvres, peintes ligne par ligne, de haut en bas, à la manière d’un miniaturiste ont profondément influencé Elmar Trenkwalder, sculpteur d’un monde d’hallucinations puisant sa source dans le rêve. La maison rouge réunit donc deux artistes profondément "inspirés".

Augustin Lesage et Elmar Trenkwalder

Les inspirés

La maison rouge organise pour l’été 2008, une exposition consacrée à la rencontre de deux oeuvres: celle du peintre médiumnique Augustin Lesage (né en 1876 à Auchel, Pas-de-Calais – mort à Burbure, Pas-de-Calais, en 1954) et celle du sculpteur et peintre autrichien Elmar Trenkwalder (né en 1959 à Weißenbach am Lech, Tyrol).

Deux oeuvres singulières, distinctes autant par l’époque que par la forme d’art à laquelle on les rattache – l’Art brut pour le premier, l’Art contemporain pour le second -, mais produites par deux personnalités habitées par la croyance en la puissance magique de l’oeuvre d’art.

Le projet de l’exposition est né d’une intuition d’Antoine de Galbert, fondateur de la maison rouge. Acquéreur d’oeuvres des deux artistes, il a associé leur démarche dans sa collection. Lorsqu’il a proposé à Elmar Trenkwalder d’exposer son travail au côté de peintures de Lesage, celui-ci a accepté, lui révélant son inclination pour l’oeuvre du peintre médiumnique.

Augustin Lesage, ouvrier mineur à Ferfay dans le Pas-de-Calais, devient peintre à 35 ans après une révélation dans une galerie de la mine. « C’est en janvier 1912 que de puissants esprits sont venus se manifester à moi, en m’ordonnant de dessiner et de peindre, ce que je n’avais jamais fait auparavant. N’ayant jamais vu un tube de couleurs, jugez de ma surprise, à cette nouvelle révélation: « Mais, dis-je j’ignore tout de la peinture. – Ne t’inquiète pas de ce détail insignifiant, me fut-il répondu. C’est nous qui travaillerons avec ta main ». J’ai alors reçu, par écriture, les noms des couleurs et des pinceaux qu’il me fallait et j’ai commencé à peindre sous l’influence des artistes planétaires, après que j’étais rentré de la mine, bien exténué de fatigue » (propos rapportés par Augustin Lesage en 1925).

Intégré au milieu spirite qui lui reconnaît les qualités de médium – « sa capacité à « accueillir » le message de l’esprit invisible » – il abandonne son activité de mineur en 1923 et se consacre entièrement à la peinture jusqu’à sa mort. Augustin Lesage dit et répète que ce n’est pas lui qui commande sa main, ni son regard lorsqu’il peint. Il explique (notamment dans les propos recueillis par le Docteur Osty en 1927) qu’il ne sait jamais à l’avance ce qu’il va peindre, et qu’il exécute ce que lui dictent les esprits de Marie (sa soeur décédée), Léonard de Vinci, Marius de Tyane…

Comme le souligne Hubert Larcher et Michel Thévoz dans le catalogue de l’exposition monographique consacré au peintre en 1989, le spiritisme, qui s’est développé en Europe et aux Etats-Unis vers le milieu du XIXe siècle, notamment dans les régions minières du nord de la France et de la Belgique, lui offre une explication satisfaisante. Pour Thévoz « Lesage a eu l’astuce inconsciente de faire passer sa vocation picturale par le biais de la médiumnité spirite et de trouver ainsi une brèche dans le barrage socio-culturel. Fallait-il que la confiscation de l’art par la bourgeoisie fût rédhibitoire pour que la
prétention d’un ouvrier de communiquer avec Léonard de Vinci apparaisse moins insensée que celle de devenir peintre ! ».

Aussi « de même qu’il travaille dans la mine sous la direction de Ferfay-Cauchy, de même il peint sous la direction des esprits (…) et lorsqu’il vend ses tableaux, il les facture au prix exact des factures et d’un salaire horaire équivalant à celui du houilleur » (Hubert Larcher). « Je suis un ouvrier à la disposition des esprits », déclare t-il.

Comme le houilleur qui a le souci de ne pas déséquilibrer le front de taille pour prévenir les risques d’effondrement, le travail est symétrique. Il peint ligne par ligne, de haut en bas, à la manière d’un miniaturiste mais sur des formats pouvant atteindre 9m2, déroulant la toile si elle est trop grande au fur et à mesure de l’exécution – procédé qui influe sur la structuration de l’oeuvre en registres horizontaux réguliers.

A partir de 1927, il intègre des représentations de visages, d’animaux, de personnages tirés de mythes ou religions orientales, africaines et égyptiennes. Après quelques expositions locales, il présente ses oeuvres à la Maison des spirites, puis aux Salons des Beaux-Arts, d’Automne, et des Artistes Français, où il exposera chaque année à partir de 1934.

Il rencontre le romancier Arthur Conan Doyle et de nombreuses personnalités, et reçoit les honneurs de la presse. Ces années sont aussi celles de voyages et de d’expositions au Maroc, en Algérie, en Egypte, en Angleterre, en Ecosse, en Suisse, en Belgique. Période faste qui s’interrompt avec la guerre. Lesage cesse de peindre en 1952. Il s’éteint en 1954 dans sa demeure à Burbure.

L’intérêt d’Elmar Trenkwalder pour l’oeuvre d’Augustin Lesage naît quelques années avant son entrée aux Beaux-Arts de Vienne, lorsqu’il découvre dans les pages d’une revue une reproduction de la première toile de Lesage. Une image qui le marquera et dont il identifiera l’auteur quinze ans plus tard.

Pendant ses années de formation dans les ateliers de Max Weiler et d’Arnulf Rainer, il se consacre à l’étude de la peinture, tout en restant attentif à la création marginale – notamment par les lectures des études pionnières écrites sur le sujet dans les années 1920 par les Docteurs Walter Morgenthaler et Hans Prinzhorn.

Arnulf Rainer qui avait engagé un travail d’appropriation et d’assimilation mimétique à l’état de folie, et entrepris dès 1963 de rassembler des productions asilaires, lui ouvre les portes de la clinique Gugging où il rencontre le Docteur Leo Navratil et les oeuvres de ses patients (Johann Hauser, Oswald Tschirtner, August Walla…).

A partir du milieu des années 1980, il se forme en autodidacte à la sculpture. Avant de réaliser en 1987 ses premières pièces en ronde-bosse (en bronze, terre cuite, ou terre cuite émaillée), il modèle des reliefs en terre cuite, opérant une transition entre le plan du tableau et le volume de la sculpture.

Depuis, il partage son activité artistique entre la peinture, le dessin et la sculpture. A ces pratiques, Elmar Trenkwalder combine la multiplicité des références, puisant dans des époques, des cultures et des genres les plus variés, pour « produire un monde plein d’hallucinations, d’associations inattendues et de monstres fabuleux » (Peter Weiermair). « Je me sens comme une sorte “d’aspirateur“ des images et des émotions du monde. Je transforme ces images et ces émotions, comme dans le travail du rêve » (Entretien avec Bernard Marcadé).

Au-delà de la symétrie, de l’ornementation, de la métamorphose, de l’intégration de l’animé dans l’inerte, qui sont quelques-uns des traits communs aux constructions architecturales imaginaires des deux artistes, Lesage et Trenkwalder ont aussi tous deux une propension à manipuler un vocabulaire emprunté à différentes traditions stylistiques pour produire une oeuvre où prédomine la fonction symbolique.

L’exposition rassemblera un ensemble de peintures et de dessins d’Augustin Lesage, et six sculptures de grands formats d’Elmar Trenkwalder – dont deux nouvelles oeuvres produites spécialement pour cette exposition – accompagnées d’une sélection de dessins.

Le corpus des oeuvres d’Augustin Lesage comptera une trentaine d’oeuvres importantes dans le parcours de l’artiste, et représentatives de sa démarche: les premiers dessins médiumniques réalisés lors de séances de spiritisme dans les années 1910, certaines grandes compositions qui marquent sa consécration dans les années 1920, un choix parmi les oeuvres peuplées par une iconographie égyptienne, et plusieurs compositions décoratives des années quarante.

Vernissage le mardi 10 juin 2008 de 18h à 21h.

Au patio de la Maison rouge, en parallèle de l’exposition « Les inspirés »

Andrea Blum
Du 11 juin au 5 octobre 2008

A la frontière entre art, design et architecture les œuvres d’Andrea Blum (vit et travaille à New York) retiennent toujours l’attention par la simplicité des formes, voire leur radicalité et l’efficacité dans l’usage qu’elle leur confère.
Pour le patio de la maison rouge, Andrea Blum présente « Birdhouse », un « pavillon-cage », qui le temps de l’été, devient un café dans lequel le public pourra se restaurer, boire un verre, cerné par une autre « cage », dans laquelle vivent des oiseaux.

Conférence d’Andrea Blum
jeudi 12 juin à 19h30

L’artiste Andrea Blum présentera son travail et en particulier son installation « Birdhouse café » exposée dans le patio de la Maison rouge.

Tarif

6,50 euros

Réservation indispensable: info@lamaisonrouge.org

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