Les Inaccoutumés. Sérendipité

Pauline Simon
Les Inaccoutumés. Sérendipité

La sérendipité est le fait de réaliser une découverte inattendue, grâce au hasard et à l’intelligence, au cours d’une recherche dirigée initialement vers un objet différent de cette découverte. Mais dans son concept, on ne peut associer la sérendipité qu’au simple hasard; il n’intervient qu’à titre mystificateur car la sérendipité est aussi l’œuvre de l’action humaine, et de sa sagacité.

Cette notion, elle-même découverte par hasard, m’offrait une métaphore idéale, pour exprimer ce paramètre chaotique dans tout processus vers une « découverte ». Je me demandais si l’intervention du hasard dans la recherche relevait de l’anecdote, ou bien si elle venait lever des indices, et un voile plus profond sur un phénomène en matière de créativité humaine. La sérendipité pouvait aussi ressembler à l’embryon d’une démarche libéralisante pour la création, décomplexée, celle d’une pédagogie par «l’erreur juste», et contournait une certaine normalisation de la pensée.

La proposition se présente comme une performance, évolutive, pour un joueur face à une fenêtre béante, celle de Google, et dont l’entrave principale n’est pas la virtualité mais celle d’une matière de travail en perpétuel mouvement.

Clin d’œil rétro-actif à la Lecture on nothing de John Cage, elle pose un corps-interprète, intermédiaire. Un corps qui assumerait pour l’occasion le discours involontaire, anonyme, des propositions intuitives des moteurs de recherche ; un échange sur rien.

Sérendipité pose un regard amusé et alarmé, sociologique et poétique, sur les fantasmes d’une société à travers la figure du touriste de la toile…. à la fois avide de recherches heureuses, mais aussi appauvri par un outil de masse.

La réactualisation des propositions intuitives de Google, m’entraîne à travailler avec cet objet comme avec une sculpture sociétale toujours mouvante. Également avec l’acceptation que ce projet existera sous différentes réponses, qu’il sera indomptable mais qu’en un sens il sera aussi « toujours juste » en tant que porte-parole de l’actualité. La présentation du projet n’est seulement qu’une ponctuation dans le temps, l’une des possibles, jamais une improvisation mais bien une écriture provisoire.

Ce format propose aussi au spectateur d’œuvrer, mais surtout pour sa propre capacité d’association face au hasard. J’ai eu envie d’envisager la poésie, comme œuvre humaine (interprétative, de réception, un travail d’élaboration du spectateur), plutôt que comme le résultat d’une logique d’intentions d’un auteur, d’autant plus s’il s’agit d’une machine. (Pauline Simon)

Conception: Pauline Simon
Regard extérieur, assistance: Corentin le Flohic, Sandra Iche, Elise Simonet.
Accueil/soutiens: ménagerie de verre pour les Studiolabs, Le Laboratoire du Geste, le L.I.E.U.E.S.
Remerciements à Nicolas Chaussy, Tania Goldenberg, Sandra Iché.