Eva Berendes, Monica Bonvicini, Kristina Braein, Delphine Coindet, Julie Dawid, Tatiana Echeverri-Fernandez, Jenny Holzer, Séverine Hubard, Claire-Jeanne Jézéquel, Colombe Marcasiano, Falke Pisano, Lili Reynaud-Dewar, Jessica Stockholder, Jennifer Tee, Lina Viste Gronli, Julie Voyce
Les formes féminines
Les buts modernistes, l’universalité ; la soumission contrainte mais acceptée envers les codes, les usages : la sculpture réalise la tension dynamique entre tradition et modernité. Elle incarne une unité, une simplicité de lecture.
En même temps on lui pardonne mal ses incartades : la sculpture contemporaine est vite parodique.
La sculpture « endosse » son genre, il est de nature performative. Une sculpture qui s’affirme comme telle, c’est qu’elle brandit quelque chose de symbolique lié au statut de sculpture (ce que peut faire la peinture, mais difficilement la vidéo ou l’installation, au risque de sombrer
trop vite dans la caricature).
La sculpture revendique d’un certain côté, même si c’est avec ironie, son statut de « high art », quand bien même elle n’est faite que de matériaux pauvres et de détritus.
Appartenir au genre, c’est pouvoir revendiquer un point de vue.
Les artistes femmes ont eu historiquement du mal à mettre en oeuvre les théories modernistes pour des raisons conjoncturelles (et non intellectuelles ou qui seraient liées à une quelconque « nature » féminine), notamment à cause du monde des « intermédiaires » (galeristes, conservateurs, critiques, historiens) de l’art, majoritairement masculin, et qui livrait des interprétations symboliques réductrices car liées à leur condition de femme de leurs oeuvres.
Cent ans plus tard, force est de constater que le point de vue s’est déplacé, et qu’il est de plus en plus difficile de qualifier des productions de « féminines » formellement, même si ces a priori restent employés dans le langage courant.
Il paraît paradoxalement important de souligner l’émergence historique au xxe siècle d’un point de vue féminin (aux côtés des points de vue black, gay et communautaires en général) car de façon ironique c’est l’émergence d’un point de vue féminin qui permet d’enfin considérer les pratiques féminines comme neutres.
Le combat séculaire entre subjectivité de l’artiste et prétendue universalité du langage esthétique, semble s’envenimer encore plus lorsqu’en plus d’être artiste on est…femme.
L’exposition, au delà de l’aporie politique, propose un paysage singulier, où l’abstraction domine et où les critères se délitent pour laisser place à une sensualité « queer », « fortement objective ».