Lola B. Deswarte
Les étendues
Mêlant le quotidien, l’imaginaire et les mythes, les créations de Lola B. Deswarte nous permettent de poser un regard tendre et profond sur nos enveloppes corporelles. Dans un rituel où l’écologie de l’art procède du recueillement et de la pratique quotidienne, nous sommes invités à parcourir avec elle le matériau d’une mémoire qui s’inscrit en allers-retours entre filiations et reconstructions.
Formée à l’Ecole nationale des arts décoratifs de Strasbourg en scénographie vidéo, Lola B.Deswarte a longtemps travaillé en collaboration avec d’autres artistes. Elle étend depuis quelques années son champ d’investigation à une pratique personnelle qui lui permet de poser la question de l’imaginaire et de l’intime. De la couture à la modélisation 3D, du dessin à l’installation, du journal de voyage à la réalisation expérimentale, elle nous entraîne dans l’observation des relations vie-mort-vie qui nous animent.
Ce travail, qui relève d’un mouvement d’auto-sociologie et s’organise autour des nécessités de sa vie de femme, se situe dans la filiation de Louise Bourgeois et de Virginia Wolf qui initièrent au XXe siècle un chemin de liberté conquit entre névrose familiale et création. Son travail reprend à la fois la question de l’identité et celle de l’absence et nous place directement au centre d’une dialectique où se développe le sens du mystère par l’articulation entre le geste quotidien, l’étude naturaliste et l’actualisation érotique du fragment.
En effleurant les traces de sa propre histoire, elle nous livre les trésors d’une faculté de l’esprit à se construire dans la durée. «Pelures d’instants» et gestes répétés nous entraînent dans les évidences de l’intimité, entre psyché individuelle, mémoire collective et jeux de construction. Dans ses sculptures, les matériaux sont issus du quotidien: le sel, la pelure de pommes de terre et le cheveux, et leur valeur emblématique révèlent la part d’«universalité de la peau» dont parlait Beuys. Dans le travail de «broderie numérique» pour Qui est ce nuage? une stèle numérique interactive, le matériau viendra également s’appuyer sur une représentation organique du mouvement et du sentiment, mais cette fois ci dans l’abstraction.
Nous redécouvrons avec elle combien l’intimité n’est jamais là où on la pense et combien l’enveloppe temporelle de nos sen est le seul véritable habit de la présence. Ainsi, les robes retravaillées en broderie réinstallent le statut de l’enfant par un regard cru détournant l’usage habituel des matériaux pour en révéler l’essence. Il s’y dévoile une relation puissante entre les vivants et les morts dans un espace où le cadavre et la mue se rencontrent. Ailleurs on se trouve face à l’étrange: de l’habit grandit une touffe de cheveux adulte, la mémoire de la forme apparait en sa disparition. Serions-nous face à la représentation de cette notion essentielle qu’est le «souvenir du futur» qui définit l’acte mythique ou l’inspiration?