PHOTO

Les Ecoles de design 2010

Première bonne surprise: le cru 2010 des «Ecoles de design» couvre une typologie d’objets extrêmement large. Du mobilier traditionnel (assises, tables, éléments de rangement, luminaires) aux solutions de recouvrement des sols et des murs, ou de partition de l’espace. On trouve même dans cette sélection un interrupteur, des fèves de galette des rois et des objets de culte…

Cette diversité cache toutefois une certaine convergence au niveau des problématiques abordées: économie de matière, recherche de confort, travail sur les qualités graphiques et plastiques des objets et surtout, souci de modularité. Les chaises évoluent entre plusieurs positions, les fauteuils se transforment en chaise longue, les tables se dédoublent ou se déplient, le rangement devient «évolutif», les vis et boulons font place à des systèmes d’assemblage reposant sur la mise en tension des différents constituants (banc Eto, bureau Entre les lignes).… Les meubles jadis statiques sont entraînés dans un mouvement perpétuel pour s’adapter à des intérieurs de plus en plus exiguës et des modes de vie de plus en plus mobiles.

La présence de quelques figures tutélaires du design plane sur cette sélection. Tel tabouret évoque le W.W. Stool de Philippe Starck, telle chaise la Pylon Chair de Tom Dixon, telle luminaire la Desk Lamp de Joe colombo. De jeunes diplômés bien informés donc, qui savent où ils mettent les pieds et ne prétendent pas faire table rase du passé. Même constat au niveau des matériaux ou des technologies utilisés: du bois et encore du bois, du métal, de la céramique… Tandis que les microprocesseurs envahissent notre environnement domestique, ces jeunes designers semblent privilégier les matériaux traditionnels et familiers. Comme une réponse volontairement low-tech et rassurante au ras de marée technologique? Ou simplement comme un manque d’audace?

L’exposition réserve cependant quelques bonnes surprises, tel le «guéridon de sel» de Claire Fauchille, dont le plateau est constitué d’un mélange de sel et de résine, ou la Lampe Wat de Manon Leblanc, qui fonctionne avec une pile hydro-électrique et que l’on alimente avec quelques gouttes d’eau.

Les deux tables basses de Charlène Huet (Montagne et Vallée) partent d’une réflexion intéressante sur la notion de rangement: en réaction aux diktats des magazines «féminins, d’art et de design», dans lesquels «tout est à sa place, rangé, figé», la jeune femme propose de valoriser le désordre né de notre tendance à empiler les objets jusqu’à l’écroulement. Le résultat, deux «reliefs» sur pieds aux formes géométriques, en bois peint en noir, laisse toutefois assez perplexe.

Samuel Aden, de l’Ensad, s’intéresse pour sa part aux besoins de populations spécifiques: une démarche en elle-même suffisamment rare pour être soulignée. Il conçoit des dispositifs permettant aux personnes atteintes de surdité de percevoir la musique par d’autres moyens que l’ouïe: en amplifiant les phénomènes vibratoires dans le cas de la Chaise musicale, en matérialisant le son par un jeu de lumière et de couleur dans le cas de la Flampoule, un instrument à vent hybride.

L’objet le plus surprenant de cette exposition est sans aucun doute le luminaire Inziair, d’Hippolyte Bachelet. Un exemple de «design vivant» pour reprendre les mots de son créateur. Vivant est effectivement le mot juste pour qualifier cet étrange engin, qui semble à la fois animé d’une vie autonome (il bouge aléatoirement quand on ne s’occupe pas de lui, se rétracte à l’approche d’un obstacle) et d’une mystérieuse forme d’intelligence (il détecte les déplacements de son propriétaire et le suit pour éclairer son chemin, change de volume et d’intensité quand on le touche…). Ainsi, demain pourrait ne pas ressembler complètement à aujourd’hui… On s’en réjouit.

Hippolyte Bachelet
— Luminaire Inziair, 2010. Strate Collège Designers – Sèvres
Florent Corlay
Lampe Opce, 2010. L’Ecole de design Nantes Atlantique
Ricardo Carneiro
Chaise Ligeira, 2010. Ecole supérieure d’art et de design de Reims
Samuel Aden assisté de Martin De Bien
— Instrument hybride La Flampoule, 2010. Matériaux divers. Ecole nationale supérieure des arts décoratifs.
Charlène Huet
— Tables de chevet Table montagne et Table vallée, 2010. Bois peint en noir. Ecole supérieure des beaux-arts d’Angers
Manon Leblanc
— Lampe à eau Wat, 2010. Avec pile hydro-électrique. Ecole supérieure des arts décoratifs de Strasbourg.

AUTRES EVENEMENTS PHOTO