Cirque actuel, Méandres (2018) de la compagnie Les Colporteurs, est un spectacle qui se joue en plein air. Chorégraphié et interprété par Sandrine Juglair et Molly Saudek, Méandres prend un peu le contrepied de son titre. Ici pas d’espace confiné, pas de huis clos étriqué, mais l’air libre et la hauteur du mât. À la base du spectacle : une structure particulière — la structure-sculpture Étoile. Créée par un funambule (Antoine Rigot) et un scénographe (Patrick Vindimian), l’Étoile se déploie en cercle, autour d’un mât central. Un mât qui culmine à plus de six mètres ; un mât à partir duquel rayonnent trois branches se terminant en socles circulaires. Comme trois « pied-à -terre » — pour ainsi dire, puisque situés à deux mètres de haut. Structure en volume, l’Étoile étire ses fils dans l’espace. Et dans cette sculpture gravitent deux femmes. L’une d’abord pensive, au pied du mât ; l’autre mobile, dansante dans les fils.
Méandres des Colporteurs, Molly Saudek et Sandrine Juglair : du cirque en plein air
Spectacle tous publics, Méandres raconte l’histoire d’une femme et de son imaginaire. Une conscience qui se cherche. Au pied du mât, au pied du Moi, la rencontre se produit et la magie opère. Comme le disait Zarathoustra : il faut encore porter en soi un chaos, pour pouvoir mettre au monde une étoile dansante. Corps immobile et pensées turbulentes, la femme observe d’abord le fil de ses pensées. Un vagabondage qui ne tarde pas à l’emporter dans son déroulé acrobatique. Toile d’araignée virtuose, toute la structure filaire résonne à son tour du son de cette double échappée. Comme un grand instrument de musique où quatre micros viennent capter vibrations et glissandos. Samplée par le designer sonore Tiziano Scali, cette texture musicale donne alors une autre approche de l’intériorité. Tirant, étymologiquement, leur nom d’un fleuve turc, les méandres racontent l’histoire des flux qui serpentent et circulent, comme l’eau et l’air.
L’Étoile : une structure-sculpture entre mât chinois et fil tendu, pour un duo aérien
Acrobates et circassiennes, Sandrine Juglair et Molly Saudek se sont rencontrées au Cirque Plume, sur la tournée du spectacle Tempus Fugit ? (2013). Travaillant ensemble depuis 1980, Antoine Rigot et Agathe Olivier ont pour leur part fondé la compagnie Les Colporteurs en 1996. La conception, en 2007, de la structure Étoile donne alors naissance à une série de spectacles pensés avec et pour ce dispositif. La pièce Méandres en fait partie. Combinant fil et mât, l’Étoile permet ainsi à deux agrès de se rencontrer. L’horizontalité du funambulisme (celui de Molly Saudek) et la verticalité du mât chinois (tel que pratiqué par Sandrine Juglair). Et dans une danse oblique, Méandres déploie avec poésie la plongée d’une femme dans l’intime de ses doutes. Et des solutions qu’elle y apporte. Comme autant d’échappées hors d’un monde lent et lourd. De quoi se réconcilier, en somme, avec la légèreté de l’être.