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Les articles indéfinis

24 Mar - 21 Mai 2011
Vernissage le 23 Mar 2011

La Galerie Marcelle Alix a voulu approcher le travail d’Aurélien Froment en puisant dans des références qui ne sont pas proprement celles de l’artiste, mais créent un intertexte propice au commentaire. La question de l’espace entre les mots et les choses, au cœur des œuvres de Froment, a appelé les enchaînements qui suivent.

Aurélien Froment
Les Articles indéfinis

«Je pense à la liste de Shônagon, à tous ces signes qu’il suffirait de nommer pour que le coeur batte, seulement nommer… Ici, mettre des adjectifs serait aussi mal poli que de laisser aux objets leurs étiquettes avec leur prix » Chris Marker, Sans Soleil, documentaire (1983).

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Longtemps j’ai repensé au motif de la méduse introduit par Alain Resnais dans le film On connaît la chanson, sorti en 1997. Les apparitions régulières de l’animal marin devaient signifier la lente et inexorable progression de la dépression chez un des protagonistes du film. Je me suis dit que c’était une belle idée, aussi belle que celle d’un autre réalisateur, Michelangelo Antonioni, lorsqu’il a utilisé le phénomène de l’éclipse solaire pour raconter la fin des sentiments dans un couple.

La libre association est une des procédures de connaissance utilisées par Aurélien Froment. A l’aide de nombreux chassés croisés, il multiplie les dialogues avec des objets, des lieux et des personnes. Raconter des histoires à coups d’images, en alignant des figures avec lesquelles un récit peut se construire, semble aussi simple que d’éparpiller des cartes sur la table.

Tu évoquais très justement la table de Memory conçue par l’artiste et la manière qu’il a d’observer le devenir d’une œuvre et d’y apporter des modifications, de continuer, d’inventer. 

Aurélien Froment semble poser et reposer une question essentielle: comment regardons-nous? Et de même qu’il est toujours bon de lire et relire les classiques ou de déballer sa bibliothèque, Froment ramène de loin en loin, des histoires universelles, comme celle des «jardins d’enfants», accompagnée des principes pédagogiques de l’allemand Friedrich Fröbel.

Il repart régulièrement sur les traces d’Arcosanti, une ville expérimentale située dans le désert d’Arizona, rapportant de nouveaux objets tels que les cloches en terre cuite, retravaillant les œuvres et les archives qu’il a créées sur le sujet depuis 2002. Ces cloches, produites sur le site d’Arcosanti, ont été prélevées dans la chaîne de production avant terme et sont exposées à côté de leur propre image. C’est peut-être le départ d’une sorte de vacillement visuel; l’objet présenté et l’objet photographié, dans leur entrelacs, assurent une circulation. Ils sont pris comme des « réalités » que l’on essaierait d’approcher et d’opposer.

L’exposition est une situation d’écriture, de découpage, de déplacement, de répétitions, de reprises et d’insistances. 

Tu m’écrivais l’autre jour que le travail d’Aurélien Froment fabrique du vide, que tout est éparpillé, que c’est un langage diffracté, et qu’il échappe à une vue d’ensemble, pour privilégier une organisation morcelée.

 Je crois qu’on assiste en effet à une pensée en train de se faire et c’est ce qui rend impossible une lecture du destin des objets.

L’exposition se présente comme un réseau de figures, dans lequel chaque figure reflète les autres, sans qu’il y ait jamais à saisir un centre. 

Tu disais, suivant la leçon de Joseph Jacotot, qu’il n’y a pas «d’explication» possible d’un texte. Comprendre c’est donner l’équivalent d’une œuvre, et non pas en connaître sa raison. Lorsque l’on manipule des images (en tant qu’artiste), ou des productions artistiques (en tant que critique) et que l’on veut rester sur un pied d’égalité avec son interlocuteur, on ne peut parler que dans un interstice.

Ici, comme pour la poésie japonaise, il y a une manière de dire: bateau, rocher, ambre, grenouille, corbeau, grêle, héron, chrysanthème qui les contient tous.

Article sur l’exposition
Nous vous incitons à lire l’article rédigé par Elisa Fedeli sur cette exposition en cliquant sur le lien ci-dessous.

critique

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