ART | EXPO

Les Arpenteurs (Horizon n° 1)

28 Mai - 17 Juil 2010
Vernissage le 27 Mai 2010

Laurent Sfar redessine un périmètre possible du Domaine national de Versailles, territoire bien ancré dans le réel et cependant invisible. Figure du géomètre-arpenteur, il révèle de nouvelles frontières et lignes imaginaires avec humour et ironie.

Laurent Sfar
Les Arpenteurs {Horizon n° 1}

Premier numéro de la série: Les Arpenteurs {Horizon n° 1}. Deux actions filmées hors-les-murs: le Vaisseau passoire et la Guérite volante, héros sibyllins aux commandes d’un récit burlesque, dont les déambulations périphériques interrogent l’ailleurs en résonance avec la situation géographique de l’espace d’exposition.

Juché sur son Vaisseau passoire, Laurent Sfar remonte à contre-courant le Grand Canal du Château de Versailles et apparaît de fontaines en réservoirs d’eau, jusqu’au Montbauron, lac artificiel, situé à quelques kilomètres, qui surplombe et irrigue le plateau versaillais. À bord de son embarcation sabotée (percée d’un trou), il parcourt en sens inverse le trajet de l’eau qui s’écoule par gravitation.

Les immersions successives de l’engin et de son passager — l’artiste, noyé, disparaît de la surface et on le suit dans le réseau complexe des conduites souterraines — évoquent l’extraordinaire machinerie de Marly et ses deux cents cinquante pompes, qui de 1684 à 1963, ont extrait l’eau de la Seine à hauteur de Bougival. L’artiste, au bord du trépas, prend néanmoins sa revanche: il pointe au moyen d’un jeu savant d’échelles l’extravagance et la démesure du Roi Soleil.

Entre en scène l’ubuesque Guérite volante, aux joyeux rebonds, qui dévale les plans inclinés du parc, redessinant sans foi ni loi de ses sauts acrobatiques l’architecture paysagère et les perspectives ouvertes sur le lointain. Elle pointe de sa hauteur les proportions idéales d’André Le Nôtre et les déformations anticipées liées aux effets de fuite. Les rapports de proportion, judicieusement calculés pour flatter la vue, sont également perturbés par l’intrusion décalée des plans de la maquette du château réalisée à l’échelle 1/30 dans le parc France miniature: gros plans sur les détails et intrusion du corps humain en situation de géant, pour mieux dénoncer l’artifice de ce décor illusionniste.

Dans sa course folle, la Guérite volante rejoint ensuite le terrain plat et boisé du Tir National de Versailles, à l’horizon clos. Des tireurs d’élite — deux acteurs locaux, rencontrés dans le cadre du projet — le regard concentré sur leur cible, tirent sur une envolée multicolore d’oiseaux mécaniques. S’enclenche une curieuse partie de tennis, où les balles suivent les frappes de joueurs fantomatiques. Autant de scènes invraisemblables et saugrenues dont le personnage de la guérite demeure le témoin muet et interdit.

De Versailles à Elancourt (France miniature), Laurent Sfar redessine un périmètre possible du Domaine national de Versailles, territoire bien ancré dans le réel et cependant invisible. Figure du géomètre-arpenteur, il révèle de nouvelles frontières et lignes imaginaires: ses voyages aériens et chthoniens rendent visibles à l’oeil nu le périmètre du domaine libéré des grilles factices qui ceinturent les lisières artificielles du parc et du château. C’est donc bien un territoire réel qu’exhume la cocasse rencontre du Vaisseau passoire et de la Guérite volante.

L’artiste interroge ainsi avec humour et ironie la mémoire des sites, la charge patrimoniale et symbolique d’une ville monument historique. La narration subvertit le réel et fabrique de nouveaux mythes.

Le dispositif de projection, installé dans la salle d’exposition, accuse la cohérence/incohérence du scénario. Apparition/disparition, semblances/dissemblances, rapprochements inattendus créent le fil conducteur de ce conte sur-réel. Un écran grand format tourne sur lui-même et intercepte par passage le mouvement des images. Au spectateur actif de restituer un sens possible à ce carrousel d’images fugaces.

Très courts, ces deux petits films composent une sélection sur le vif des séquences tournées, soigneusement mises en magasin et tremplin à la déclinaison de la série promise. Laurent Sfar puisera dans sa réserve et ce défilement d’images trouvera son aboutissement dans la réalisation ultérieure d’un court métrage.

La pièce in situ est accompagnée d’un travail de documentation qui enracine le projet dans son environnement. La vidéo Traffic (#2) réfère à un projet originel refusé: il s’agissait de faire tourner sur lui-même le coin d’un parterre de buis taillé dans le parc du château de Versailles, recomposant sans cesse le motif dessiné par Le Nôtre et soulignant l’artifice d’une perception illusionniste à l’oeuvre dans les jardins.

Vernissage
Jeudi 27 mai à 19h.

Publication
Un document d’artiste sera publié en septembre 2010 à l’occasion de cette exposition.

Autres rendez-vous
Promenades proposées au public dans les jardins du Château de Versailles en présence des architectes Hervé Bagot et Jean Castex, et de Laurent Sfar. Ces Promenades décrivent le paysage historique de l’intervention, tant du point de vue de l’histoire du lieu, la ville et son château, que de la création de l’exposition.

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