Communiqué de presse
L’Atelier populaire
Les affiches de Mai 68
Le 8 mai 1968, à l’initiative des élèves architectes, un comité de grève se constitue à l’École des beaux-arts de Paris. Certains artistes du Salon de la Jeune Peinture, comme Aillaud, Arroyo, Biras, Buraglio, Fromanger, Rancillac ou Tisserand, et des membres de différentes tendances ou courants politiques (Internationale Situationniste, anarchistes, Mouvement du 22 mars, trotskystes, UJCML, Parti Communiste, etc.), accoutumés aux méthodes de travail collectives, rejoignent les étudiants et les aident à mettre au point les bases d’un fonctionnement dans l’École occupée : Assemblée Générale journalière, discussions, décisions collégiales, préfiguration de l’atelier d’affiches…
Le 14 mai, étudiants et artistes impriment une première affiche en lithographie à 30 exemplaires Usines, Universités, Union. Le même jour, l’artiste Guy de Rougemont et le sérigraphe Éric Seydoux, qui connaissent la technique de la sérigraphie, sont chargés de mettre en place un atelier et initient étudiants et artistes à cette technique nouvelle, qui permet d’imprimer plus rapidement et efficacement que la lithographie un grand nombre d’affiches (le tirage de chaque affiche sérigraphiée ira jusqu’à 2000 exemplaires). La totalité des affiches imprimées atteindra le million.
Le 16 mai, l’atelier de lithographie occupé est rebaptisé. Sur la porte est placardé Atelier Populaire : oui, Atelier Bourgeois : non. Les ateliers fonctionnent jour et nuit, le tirage se fait en continu, par équipes, dans différentes salles de fabrication. Bernard Rancillac raconte que les rouleaux des rotatives sortaient des fenêtres du premier étage, au-dessus des bureaux de la direction, et séchaient jusque dans les jardins de l’École, étendus «grâce à un astucieux système de fils avec des roulettes, comme à Naples pour le linge».
Des colleurs bénévoles passent chaque jour chercher leur lot pour le placarder dans la rue. Cet affichage est souvent risqué, car la police, les CRS et les CDR (Comités de défense de la République) y font obstacle. Des marchands achètent pour soutenir les comités, d’autres réimpriment les plus efficaces ou aident les artistes de leur galerie à en réaliser. Chaque soir, les projets d’affiches sont soumis aux voix par l’Assemblée Générale.
Le principe de l’anonymat des auteurs des affiches est retenu pour «éliminer les pratiques de la création individualiste bourgeoise qui resurgissent toujours consciemment ou non». Les illustrations reprennent de manière récurrente des caricatures du général de Gaulle ou des CRS et de la police. D’autres soutiennent les usines en grève ou se livrent à une critique de l’information.
Après une intense période d’activité, l’Atelier Populaire est contraint de fermer ses portes. Le 27 juin, vers 4 heures du matin, les gardes mobiles occupent l’École des beaux-arts. L’Atelier Populaire est fermé à 5 heures. Une dernière affiche verra le jour dans la foulée (réalisée au siège du PSU), elle déclare «La police s’affiche aux Beaux-Arts, les Beaux-Arts affichent dans la rue».
Quarante ans après mai 68, le musée des Beaux-Arts de Dole, en collaboration avec l’École Nationale Supérieure des beaux-arts de Paris, commémore l’anniversaire d’un événement où l’imagination fut «au pouvoir» et où la création, exceptionnellement, ne fut pas l’affaire d’un
individu isolé mais l’engagement d’un groupe, le résultat d’un acte collectif porté par une multitude d’individus de tous âge et conditions sociales.
Parmi les artistes qui s’engagèrent dans cette action, un certain nombre ont poursuivi une démarche artistique engagée, dont témoigne notamment certains artistes de la figuration narrative ainsi que ceux de la coopérative des Malassis. Les acteurs majeurs de ce courant sont représentés dans les collections du musée des beaux-arts de Dole.
L’exposition présentera un ensemble de 250 affiches, des reprises, des exemplaires de différentes couleurs, des modèles refusés, etc. provenant de collections publiques et privées. Ces affiches ont été produites par l’Atelier populaire des Beaux-Arts de Paris et de celui des Arts Décoratifs.
Un matériel photographique et documentaire accompagnera l’exposition.