Communiqué de presse
Trân Trong Vû
Les 18 propositions de l’impossible
Aller dans l’exposition comme on va dans la vie du peintre. En haut, la vie publique, les expériences politiques, la guerre, son absurdité, sa logique, les attitudes de façade, les faux sourires vides que l’on adresse à la face du monde. Le calme du bleu anesthésie le corps qui se délite, sans douleur, sans conscience de disparaître. L’important n’est-il pas de toujours sourire? Il est dit ici que par manque de vigilance, on se perd.
En bas, les caves deviennent les chambres de l’intime et racontent l’exil, le départ les mains vides, les valises que l’on n’a pas et qui se remplissent de souvenirs, des liens avec le père –l’écriture. Correspondances d’un homme seul est une histoire qui prend forme.
Trois formes: le livre, froissé, puis défroissé, dont on peut finalement lire les vingt et une pages. Les feuilles suspendues dans l’espace, qui se donnent plus ou moins à lire. Ainsi nous voyageons, nez en l’air, dans un roman illisible.
Et enfin, feuilles froissées dans la valise, elles débordent et disent la disparition de l’un parti sans valise et dont aucune trace ne subsiste, uniquement celles que Vû invente, mixant sa vie avec ce fait-divers qui fait écho à son propre départ, sa propre errance, lui qui a pu être –naître au monde une deuxième fois. Il ne s’est pas perdu, sa valise était pleine de mots.
Mais les mots sont trop douloureux dans cette fiction –narration, les pages se froissent, la lecture alors, comme l’écriture, n’est pas aisée. Il faudrait pourtant pouvoir raconter pour ne pas disparaître. Vû raconte à la manière du peintre et les formes en disent long, là où les mots ne peuvent plus s’écrire.
«Huit heures avant l’homme a reçu, rapidement, un appel. Il a tout compris. Il a compris que l’amour n’est qu’une proposition utopique de l’impossible. Il a compris qu’il n’est qu’un affreux petit renard et que son amour n’est qu’un simple sujet de rigolade pour les autres. Puis tard dans la soirée il est enfermé seul dans la salle de bain.
Il a vu dans le miroir voler toutes les vingt-et-une pages de la correspondance inachevée, il a vu pleurer l’homme dans une douleur impossible, dans une désillusion d’amour impossible, puis il l’a vu tomber sur le carrelage froid, léger comme une branche d’arbre.»
La peinture de Vû bataille avec la vie (les feuilles sont froissées, les fleurs sont contraintes dans leur cage ou font face aux soldats…). C’est sa manière à lui d’aller dans le monde. Et il sait nous y inviter à notre tour: une peinture colorée, séduisante, translucide; nous nous approchons, nous nous y voyons même.
C’est alors que le piège se referme et nous connaissons la douleur de l’exil, et nous découvrons la pudeur à la dire. Partir sans rien emporter, c’est ne jamais pouvoir poser ses bagages. Le temps d’une exposition, porter les bagages avec. Mais est-ce seulement possible?