Laure Albin Guillot
L’enjeu classique
Laure Albin Guillot, un «nom sonore qui devait devenir fameux», peut-on lire au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Le paysage photographique français de ce milieu de siècle est en effet singulièrement marqué par la signature et par l’aura de cette artiste qui, de son vivant, fut certainement la plus exposée et reconnue, non seulement pour son talent et sa virtuosité mais aussi pour son engagement professionnel. Organisée en quatre sections, l’exposition de Laure Albin Guillot permet de découvrir son art du portrait et du nu, son rôle actif dans le domaine de la publicité, son œuvre imprimée et enfin un ensemble conséquent de ses «micrographies décoratives», stupéfiantes photographies de préparations microscopiques qui firent sa renommée en 1931.
L’exposition présentée par le Jeu de Paume réunit un ensemble conséquent de 200 épreuves et de livres originaux de Laure Albin Guillot (Paris, 1879-1962), ainsi que des magazines et documents d’époque issus de collections privées et publiques comme la Parisienne de Photographie, le musée national d’Art moderne, la Bibliothèque nationale de France, le musée Nicéphore Niépce (Chalon-sur-Saône), le musée français de la Photographie (Bièvres).
Une grande partie des tirages originaux et documents exposés proviennent des collections de l’agence Roger-Viollet, qui fit l’acquisition du fonds d’atelier Laure Albin Guillot en 1964. Ce fonds, appartenant aujourd’hui à la Ville de Paris, a été récemment rendu accessible après un long travail d’inventaire. Composée de 52 000 négatifs et de 20 000 épreuves, cette source a permis de questionner l’œuvre et la place que la photographe occupe réellement dans l’histoire.
Dans le paysage artistique français des années 1920-1940, où la modernité et la production d’avant-garde connaissent les faveurs de notre regard et de notre goût contemporains, la photographie de l’artiste pourrait sembler relever d’une tradition à contre-courant. C’est pourtant cette photographie, incarnant le classicisme et un certain «style français», qui fut largement célébrée à l’époque.
Si la photographie de Laure Albin Guillot est incontestablement l’une des plus en vogue dans l’entre-deux-guerres, sa personnalité reste aujourd’hui une énigme. Car, paradoxalement, peu d’études ont été consacrées à l’œuvre et à la carrière de cette artiste. Ses premières œuvres apparaissent dans les salons et les publications au début des années 1920, mais c’est essentiellement au cours des années 1930 et 1940 que Laure Albin Guillot, artiste, professionnelle et figure institutionnelle, occupe et domine la scène photographique.
Photographe indépendante, elle se consacre à des genres variés comme le portrait, le nu, le paysage, la nature morte et, dans une moindre mesure, le reportage. Technicienne hors pair, elle élève la pratique jusqu’à un certain élitisme. Photographe de son temps, elle utilise les nouveaux modes de diffusion de l’image et fournit à la presse et à l’édition des illustrations et des créations publicitaires.
Elle est notamment l’une des premières en France à envisager l’application décorative de la photographie par ses recherches formelles avec l’infiniment petit. Avec la photomicrographie, qu’elle renomme «micrographie», Laure Albin Guillot offre ainsi de nouvelles perspectives créatrices combinant science et arts plastiques.
Enfin, à la fois membre de la Société des artistes décorateurs, de la Société française de Photographie, directrice des archives photographiques de la direction générale des Beaux-Arts (ancêtre du ministère de la Culture) et premier conservateur de la Cinémathèque nationale, présidente de l’Union féminine des carrières libérales, elle apparaît comme l’une des personnalités les plus actives et les plus conscientes des enjeux photographiques et culturels de son époque.
Vernissage
Mardi 26 février 2013