L’Embellie

Claire Dantzer, John Deneuve, Camille Lorin, Koki Watanabe
L’Embellie

Le titre de l’exposition «L’Embellie» suggère qu’une période difficile s’achève pour une accalmie que l’on attendait et qui nous réjouit, qu’elle soit météorologique, économique, politique, etc. En ces temps troublés, en proie aux politiques d’austérité, cette exposition propose sinon des jours, au moins des heures meilleures.

Quatre artistes ont été invités à investir l’espace du Château de Servières: Claire Dantzer, John Deneuve, Camille Lorin et Koki Watanabe. Ils abordent de façon diamétralement opposée cette idée de l’embellie. Le terme évoque pour certain, un contexte ou une situation de beauté et de poésie, parfois d’émerveillement, comme pour Claire Dantzer et John Deneuve, qui jouent sur une mise en condition joyeuse du spectateur.

Dans Fantasy, John Deneuve réalise un environnement qui plonge le visiteur dans un monde immatériel constitué de dessins géants s’imbriquant à la façon des dioramas du 19e siècle. Elle crée un espace physique et visuel «pop» dans lequel la couleur fuse et où les plans s’enchaînent dans une perspective qui rappelle le carton-pâte d’un décor de théâtre, voire d’opérette.

Dans Variation 2, Claire Dantzer a choisi de magnifier et de réenchanter l’espace de la galerie, en installant au sein du «white cube» des prismes de verre triangulaires remplis d’eau. À travers le verre, les rayons lumineux s’irisent et créent un réseau d’arc-en-ciel qui déploie toute la palette du spectre des ondes colorées au sein de son installation. L’espace et les murs sont également repensés par l’artiste, de façon à créer une sorte de lieu idéal, propice à l’apaisement et à la contemplation des phénomènes lumineux.

En revanche, l’embellie se traduit chez Koki Watanabe et Camille Lorin par une réflexion sur les épisodes les plus sombres de l’actualité de ces dernières années. Tous deux mettent en évidence les contradictions dans lesquelles chacuns de nos choix et de nos actions nous engagent, en opposition à une certaine forme de manichéisme ambiant.

Pour Camille Lorin, l’idée d’embellie résonne avec l’image de passagers clandestins groupés dans des embarcations de fortune, qui n’hésitent pas à quitter leurs pays natal pour fuir une situation chaotique dans l’espoir de trouver un meilleur futur. Lampedusa incarne à la fois une destination d’espoir et de désillusion. C’est ce paradoxe que Camille Lorin met en scène dans ses photos; la beauté tragique du geste de celui qui n’a plus rien à perdre. Ses images sont empreintes d’ambiguïté, elles ravissent le regard du spectateur par leur esthétisme et leur poésie tout en le confrontant à une réalité terrible et crue.

Pour Koki Watanabe, l’embellie n’est pas possible pour les habitants de Fukushima et des environs. Plus de deux ans après la catastrophe nucléaire, même si la nature reprend peu à peu ses droits, les conséquences demeurent toujours aussi graves pour l’ Homme. Dans son installation Round 0, homophonie du Ground zéro de New-York, Koki Watanabe questionne la notion de catastrophe qu’elle soit naturelle, technologique ou terroriste. Le ring de boxe symbolise la confrontation entre les sentiments contradictoires d’un avant, pendant et après la catastrophe. L’excitation, quand celle-ci est annoncée et qu’elle approche, comme les typhons et les tsunamis au japon. La tétanie, la peur et l’angoisse, quand elle s’abat sur nous. Enfin, la colère et l’injustice quand elle est passée. La catastrophe constitue une espèce de catharsis où toutes les émotions et tous les comportements humains se déploient, des pires au meilleurs, du vandalisme à la solidarité.

En partenariat avec le réseau marseille-expos.