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Leg Opens Door

Une cloison se dresse au fond de la salle et délimite dans l’espace un salon artificiel. Proche du décor de cinéma, cet environnement  comprend deux larges canapés qui font face au film Erased James Franco. Carter a demandé à l’acteur américain James Franco de rejouer avec retenue des scènes issues de ses films précédents. Ses gestes réfrénés et son ton monotone coupent court à toute interprétation.
La mise en scène qualifiée d’«artificiellement détendue» par Carter étouffe tous sentiments potentiels. Comme le titre l’indique, l’artiste cherche à faire disparaître la vedette et à ne conserver que des bribes d’émotions avortées.

Une gène s’installe. On ne comprend pas les allers et venues de l’acteur qui n’ont ni queue ni tête, et les coups de téléphone qu’il reçoit en permanence laissent envisager un dénouement sordide qui tarde à venir. Rien n’atteint son paroxysme, tout reste en suspens. L’effacement se double d’une perte d’identité et de repères face aux multiples affections que traverse l’acteur de manière quasi schizophrénique.
   
Tout autour, des répliques des Leg-Sculptures de Robert Gober, réalisées à partir de moulages de jambes de James Franco, ponctuent et rythment la surface au sol. Ces membres sans vie sortent des murs et sont posés sur des morceaux de moquette sale. Cette étrange succession crée le trouble, ménage un certain suspens mais aussi une angoisse.
Comme un tic de langage, un bégaiement qui s’éternise, ces empreintes hyperréalistes tronquées se propagent tout autour de la salle. Ce protagoniste inanimé nous encercle et ces répétitions de formes identifiables nous interpellent.

Elles font écho au film 16 mm composé de deux séquences diffusées simultanément sur des écrans  non loin de là.  Carter a imaginé ce qui pourrait se trouver derrière ces murs. Grâce à cette même scène vue des deux côtés de la cloison, l’artiste tente peut-être de pénétrer l’univers de Robert Gober, de lui donner une suite. Il prolonge l’espace temps, le démultiplie. Il rend les murs de la galerie perméables et nous oblige à envisager d’autres horizons, d’autres interprétations possibles.

L’oeuvre de Gober décline au travers de nombreuses installations les fluctuations et «les déformations émotionnelles que chacun d’entre nous vit tout au long de son éducation». Les paraphrases qu’il utilise pour parler du corps humain et des contraintes qu’on lui fait subir au cours des âges ne sont que l’image de sa propre intériorité sentimentale.
Carter, lui, offre un autre pendant. Sur les lieux d’un tournage déserté, chaque visiteur peut investir l’espace de son histoire singulière. La privation, l’amputation, le manque de liberté, à l’image de l’enfermement du personnage du film qui bute aux parois d’une pièce trop étroite, sont autant de termes qui habitent l’ensemble des productions présentées.
   
Le vide s’inscrit partout, non comme une  absence ou une défaillance, mais comme  une matière plastique façonnée par l’artiste. La vacuité des images sur lesquelles Carter intervient en ajoutant ça et là des touches largement brossées de peinture noire et blanche est le réceptacle de diverses attentes. Une vitre semble nous séparer de ces instants pétrifiés. Ces intérieurs factices sont observés à distance. On y projette alors notre propre vécu, des anecdotes singulières. Carter suscite une narration particulière, un dialogue aux allures de monologue intérieur.

Carter
— Constant (James Franco As Inanimate Object As Robert Gober Sculpture) #3, 2008. Polyuréthane élastomère, cheuveux synthétiques. 56 x 12 x 31 cm.
— Constant (James Franco As Inanimate Object As Robert Gober Sculpture) #5, 2008. Polyuréthane élastomère, cheuveux synthétiques. 56 x 12 x 31 cm.
— Erased James Franco, 2008. Film Super 16mm. Durée: 1h03 .
— Untitled (modern, Obverse #5), 2008. Acrylique sur toile. 127 x 114,3cm.
— Within Black, 2008. Acrylique et impression laser sur toile 76,2 x 86,4 cm.