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Left Behind

C’est dans les soldes d’un fournisseur de décor de théâtre que Jim Shaw a trouvé le support de ces dernières œuvres: des toiles gigantesques (la plus grande mesure 24 mètres de long) qui accueillent un non moins gigantesque fonds de reprises de l’iconographie américaine.
Imagerie populaire, représentations chrétiennes fondamentalistes, épisodes autobiographiques, références et reprises de styles de l’histoire de l’art moderne, extraits de rêves de l’artiste, il y a tout ça dans l’art de Jim Shaw, au sein d’un ensemble impossible à circonscrire.

Jim Shaw fait ce qu’il a toujours fait: nous plonger au cœur de la société américaine à travers ses représentations, cette fois à la lumière de l’actualité du «cauchemar néolibéral actuel». Cette série de toiles a en effet été amorcée au moment de l’élection présidentielle de 2004 sur fond de guerre en Irak et s’envisage comme une «caricature politique» (Jim Shaw).

Le décor est planté par les trois premières toiles représentant, sur fond de paysage suburbain, les piliers de la société américaine: l’argent (Landscape With Money & Corndogs), le patriotisme (Untitled, US Presidents) et la religion (Pollock & Lollypops).

Décrire une toile de Jim Shaw en rendant justice à toutes ses implications est une gageure: les emprunts iconographiques se juxtaposent, par analogie, par déduction, par association à des degrés divers, à tel point que l’artiste lui-même s’y perd: «Je ne me souviens pas de l’origine de chaque image».

Un exemple: le titre de la toile Dr. Goldfoot & His Bikini Bombs vient de celui d’un film américain de 1965, qui a inspiré à Jim Shaw la pensée de son avantage à être un artiste désargenté, puisque ne pouvant pas réaliser ses projets immédiatement par manque d’argent, il dispose d’un temps de réflexion qui aurait grandement profité à l’auteur de ce navet.
On trouve ainsi au centre de la toile une femme en bikini blanc, ainsi que le portrait de l’acteur Vincent Price qui joue le héros du film, repris de l’affiche d’un autre film, Le Masque de la mort rouge (lui-même adapté d’une nouvelle d’Edgar Allan Poe) dans lequel son visage se compose de tas de corps imbriqués les uns dans les autres.
S’ajoutent un autoportrait de l’artiste morcelé lui aussi, et deux pieds en argile placés devant la toile, qui font référence au songe de Nabuchodonosor dans le Livre de Daniel.
Les corps déchirés renvoient à une époque où Jim Shaw en faisait sa marque de fabrique, époque qu’il analyse lui-même avec dérision comme une démonstration de son auto-détestation.
Ces corps font aussi référence à Steve Hodel qui affirme que le meurtre du Black Dahlia (une femme retrouvé découpée en deux à Los Angeles en 1947), fut perpétré par un chirurgien — qui connaissait bien Vincent Price — en hommage à une photographie de Man Ray.
Enfin, le décor de la toile ressemble comme deux gouttes d’eau au paysage des Etant donnés de Marcel Duchamp. Dr. Goldfoot & His Bikini Bombs ou comment superposer dans une seule toile cinéma, théories personnelles et d’autres, littérature ancestrale et moderne, surréalisme, auto-analyse et fait divers.

D’autres toiles évoquent, en vrac, la communauté polonaise newyorkaise et la mort du mouvement ouvrier américain (Left Behind #3), le surréalisme des campagnes de pub des années 1950 et 1960 (The Woman in the Wilderness), les Shriners, francs-maçons pseudo-islamiques (Untitled), la conspiration des extraterrestres (The Miracle of the Compound Interest) ou le rêve de murs d’une banque recouvert de vieux hommes nus (Dream Objects. Mural with Swimming Men).

L’exposition est complétée par deux vidéos, des sculptures dont un fœtus flottant de trois mètres — reprise notamment de l’iconographie des anti-avortement —, deux séries de dessins, enfin par la collection de l’artiste de matériel propagande de toutes ces religions fondamentalistes américaines, source de fascination pour Jim Shaw, lui-même instigateur de la religion (parodique) «Oïste», et qui estime nécessaire de préciser: «Je ne crois évidemment pas à ces cultes et théories!»

— Jim Shaw, The Woman in the Wilderness, 2005. Peinture acrylique sur toile enduite, 24 x 4.6 m
— Jim Shaw, Left Behind #3, 2005. Peinture acrylique sur fond de scène, 3.2 x 7.3 m
— Jim Shaw, Landscape with Money & Corndogs, 2005. Peinture acrylique sur toile, 4.9 x 11.9 m
— Jim Shaw, Untitled (US Presidents), 2006. Peinture acrylique sur toile, 4.9 x 11.6 m
— Jim Shaw, The Miracle of Compound Interest, 2006, 9 components.
— Jim Shaw, Pollock & Lollypop, 2007. Peinture acrylique sur toile, 5.2 x 6.1 m
— Jim Shaw, Dr. Goldfoot & His Bikini Bombs, 2007. Peinture acrylique sur toile et céramique. 3.6 x 4.8 m
— Jim Shaw, Montezuma’s Revenge, 2007. Peinture acrylique sur toile, 6.1 x 11.4 m
— Jim Shaw, Mini-mall, 2008, Peinture acrylique sur toile, 2.8 x 9.4 m
— Jim Shaw, Octopus Vacuum, 2008. Peinture acrylique sur toile, 4.89 x 7.2 m
— Jim Shaw, Ticker-tape Laocoon, 2008. Peinture acrylique sur peinture à l’huile sur toile, 7.62 x 7.44 m
— Jim Shaw, Untitled (Foetus), 2009. Ballon gonflable, du sol au sommet de la tête: 4.5 m du sol au dos du foetus : 7,3 m
— Jim Shaw, Banyan Tree Mural, 2010. Peinture acrylique sur toile. 5 x 14.8 m
— Jim Shaw, Dream Object (Mural with Swimming Men), 2006. Peinture acrylique sur toile. 3,66 x 1,42 cm ; 3,66 x 3,80 m
— Jim Shaw, Dream Object. A later room contains murals of Dan Quayle…, 2007, Installation, peinture acrylique sur toile et divers matériaux
— Jim Shaw, Dream Object (Mike had maxed out his warehouse space & wanted to rent out some of mine…, 2007, Sculptures en matériaux divers

— Jim Shaw, Labyrinth: I Dreamed I Was Taller Than Jonathan Borofsky, 2009. Installation d’éléments de peinture acrylique sur toile tendue sur des panneaux de contreplaqué. Dimensions variables, 16 éléments.

Série «Monster Faces Drawings», 2008
— Jim Shaw, Untitled (Monster Face), 2008, peinture acrylique, encre, pastel gras sur papier, 85 x 104,1 cm
— Jim Shaw, Untitled (Monster Face), 2008, peinture acrylique, encre, pastel gras sur papier, 73,7 x 80 cm
— Jim Shaw, Untitled (Monster Face), 2008, peinture acrylique, encre, pastel gras sur papier, 63 x 75,6 cm
— Jim Shaw, Untitled (Monster Face), 2008, peinture acrylique, encre, pastel gras sur papier, 78 x 57,8 cm

Série «Spot Ad Drawings», 2008

Sélection d’objets à références chrétiennes :
— Jim Shaw, V.T. Houteff, bannières religieuses, 1932 – 1944, 17 banners, 56.5 x 70.5 cm
— Jim Shaw, Religious Banner: The Question of Supremacy, sans date, 131 x 365.7 cm, signé: J. Kennedy
— Jim Shaw, Basil Wolverton, Apocalypse: Scorching Heat, 1953-1958, encre sur papier, 36.8 x 52 cm
— Jim Shaw, Basil Wolverton, Apocalypse: Meteor Shower with Eclipse and Earthquake, 1953-1958, encre sur papier, 36.8 x 52 cm
— Jim Shaw, Basil Wolverton, Apocalypse: Plague of Darkness with Boils, 1950, encre sur papier, 36.8 x 52 cm
— Jim Shaw, Basil Wolverton, Apocalypse: Famine, 1953-1958, encre sur papier, 36.8 x 52 cm
— Jim Shaw, Basil Wolverton, Apocalypse: Volcano and Waterspouts, 1953-1958, encre sur papier, 36.8 x 52 cm
— Jim Shaw, Basil Wolverton, Apocalypse: Mass Grave with Bulldozer, 1953-1958, encre sur papier, 36.8 x 52 cm

Vidéos:
— Jim Shaw, The Hole, 2007, film 16 mm
— Jim Shaw, The Whole: a study in Oist Integrated Movement, 2009, video HD 16 min 40 s