Communiqué de presse
Lee Bul Lee Bul
Suspendues dans les airs ou ancrées au sol, les sculptures de Lee Bul constituent un environnement unique qui s’inscrit dans l’architecture de Jean Nouvel, formant ainsi un prolongement à sa structure matérielle et conceptuelle. Dans un paysage de ruines et de vestiges scintillants à l’atmosphère sombre et envoûtante, cette installation complexe et sensuelle met en évidence la désintégra- tion des aspirations à l’utopie qui continuent de hanter l’imaginaire collectif.
Entre les parois de verre de la Fondation Cartier, Lee Bul compose un projet global où l’être humain est, comme toujours, au centre de son œuvre. Cette fois, la présence de l’homme, malgré son absence de repré- sentation physique, est suggérée par des constructions qui évoquent l’histoire et la culture de l’Orient et de l’Occident. Miroirs, reflets, perles et métal travaillés à la façon d’une dentelle: l’admirable légèreté de ces amples volumes reste le fil conducteur du projet. Sculptures suspendues telles des îles flottant dans les airs et structures diaphanes s’élevant au-dessus des spectateurs peuvent être observées sous différents angles grâce à des jeux de miroirs qui font basculer tête à l’envers le parcours de visite.
Mais ce parcours est loin d’être seulement esthétisant. L’ensemble du projet, et plus parti- culièrement certaines des grandes sculptures suspendues, fait référence à l’œuvre de l’ar- chitecte visionnaire allemand Bruno Taut (1880-1938), en particulier à ses projets fan- tasmagoriques d’Alpine Architektur et à son Glashaus [Pavillon de verre] (Cologne, 1914). Salué pour son activisme social, il n’a jamais cessé de donner forme à ses rêves, dans son désir de rendre tangible et concret un monde meilleur. Lee Bul s’approprie l’énergie créa- trice des valeurs utopistes de l’œuvre de Taut et en fait le centre de son projet visionnaire. Le choix de la Fondation Cartier pour sa réalisa- tion n’est pas fortuit: le bâtiment de verre de Jean Nouvel renvoie directement à l’enthou- siasme que provoquait ce matériau chez Taut, qui le jugeait idéal pour la construction des cathédrales du futur. L’architecte avait même adopté le pseudonyme de « Glas » [verre].
Si dans certaines de ses œuvres Lee Bul se laisse librement aller à imaginer un monde meilleur, envoyant par là même un message positif, d’autres sculptures sont chargées d’allusions à des personnages et des épisodes sombres de l’histoire coréenne. Thaw (Takaki Masao) (2007) est une sorte de sarcophage de glace pour le dictateur militaire Park Chung- Hee, responsable de la modernisation brutale de la Corée du Sud entre 1961 et 1979. La sculpture intitulée Heaven and Earth (2007) rappelle une baignoire par sa forme et ren- voie au corps humain par son échelle. Sur ses bords est représenté de façon stylisée le mont Baekdu, lieu de naissance mythique de la nation coréenne. Si la baignoire ranime le souvenir d’un passé relativement procelle était utilisée pour la torture des dissidents politiques, l’encre noire dont elle est remplie reflète à sa surface les formes utopiques et les suspensions majestueuses qui la surplombent. Sans opposer le monde du rêve à celui de la réalité, Lee Bul nous les présente simultané- ment, à la façon dont nous expérimentons la vie contemplative et la vie active. L’une n’est pas moins réelle que l’autre: la première nous donne souvent le courage d’améliorer la seconde.
Artiste
Lee Bul
Née en 1964 en Corée du Sud, Lee Bul com- mence par étudier la sculpture, mais s’inté- resse très vite à d’autres techniques: à partir de la fin des années 80, elle entreprend de créer des formes volumineuses fréquemment associées à des performances. Revêtue de sculptures pourvues d’extensions diverses, Lee Bul se promène dans la rue ou dans des lieux publics, offrant au cours de ces perfor- mances une représentation d’un corps sujet aux mutations, artificielles et parfois mons- trueuses. Durant les années 90, l’artiste continue de s’intéresser à la forme humaine, à la fois corps et entité sociale. Son travail aboutit à la fin de la décennie aux Cyborgset Anagrams, séries de sculptures composées de membres tentaculaires, fantastiques et tor- tueux, ou d’éléments biomécaniques aux formes baroques. Par le biais des nouvelles technologies qui redessinent les frontières de l’existence humaine, les créations de Lee Bul élargissent la notion d’identité corporelle, laissant intentionnellement à l’interpréta- tion personnelle les limites entre réalité, science et fiction. Lee Bul combine au gré des nécessités artistiques, son, vidéo et objets matériels issus d’un croisement entre sculpture et design.
Parmi les nombreux projets de Lee Bul figurent pour cette année sa participation à des expositions au Musée d’art moderne d’Istanbul, à Domus Artium à Salamanque (Espagne), à la Xe Biennale d’Istanbul, à l’exposition Real Utopia au Musée d’art contemporain du XXIe siècle de Kanazawa (Japon) et à l’exposition Global Feminismsdu Brooklyn Museum of Art. Elle présente à la Fondation Cartier sa première grande exposition personnelle à Paris.
critique
On every new shadow