La première impression qui s’impose à la vue des œuvres de Rui Chafes est incontestablement l’austérité. Austérité des formes lourdes et pures, austérité des couleurs toujours entre le gris et le noir, austérité grave de la mise en scène qui suscite le recueillement.
De la vie monastique se compose de deux pièces monumentales quasi identiques suspendues au plafond. Leurs masses semblent s’annuler. Bien qu’elles pèsent plusieurs centaines de kilos, elles semblent faciles à manipuler. Élévation mystique et poids de la matière s’entrechoquent. A travers les formes enchevêtrées de ces sculptures des morceaux de caoutchouc ou de feutre évoquent parfois certaines sculptures de Robert Morris. Mais c’est en fait bien l’assemblage de morceaux d’acier peint et agencés avec minutie qui s’impose.
Une énorme boule (Perdre l’ombre) prolonge la sensation contradictoire de masse et de légèreté qui se dégage de De la vie monastique. Visuellement entre montgolfière et méduse, la sphère d’acier se détache du sol bien que de fines tiges de métal semblent retenir son envol. Il en ressort de la souffrance, celle d’une volonté contrariée de s’extraire d’elle-même, celle de la naissance douloureuse d’un monstre.
Trois petits masques (De la vie monastique III, VIII et X) à la face épurée accrochés au mur présentent une face étrange. Impossible de distinguer les yeux, la bouche ou le nez, seulement quelques trous évoquent des visages. A l’intérieur, des morceaux d’acier aux formes agressives les transforment en de véritables masques de torture. La vie monastique évoquée par le titre est-elle là assimilée à une torture ? A une nécessaire négation du visage, de la surface de l’être pour accéder à ses profondeurs ?
Pièce maîtresse de l’exposition, Leçon de ténèbres aligne huit colonnes métalliques dans lesquelles sont aménagés des sortes de petits confessionnaux, tous différents, faits de plaques d’acier percées, ciselées, découpées de diverses manières, comme autant de collages cubistes. Chaque alvéole évoque à la fois l’univers carcéral et le monde monastique de l’enfermement volontaire. Cette pièce semble actualiser les contraintes corporelles et spirituelles qui convergent pour imposer silence et discipline aux forces obscures qui nous habitent.
Envers et endroit, corps et esprit, souffrance et plaisir parcourent l’œuvre de Rui Chafes qui réussit, à partir de formes métalliques simples, à stimuler l’imagination.
Rui Chafes
— De l’ombre et du silence I, . Acier. 49 x 26 x 125 cm.
— De l’ombre et du silence II. Acier. 48,5 x 25 x 125 cm.
— De la vie monastique I, 2002. Acier 72 x 80 x 195 cm.
— De la vie monastique II, 2002. Acier. 80 x 80 x 203 cm.
— Perdre l’ombre, 1998-2001. Acier (sphère). 70 x 70 x 155,5 cm.
— De la vie monastique III. Acier (masque). 26 x 26 x 40 cm.
— De la vie monastique VIII. Acier (masque). 16 x 22,5 x 40 cm.
— De la vie monastique X. Acier (masque). 16 x 17,5 x 40 cm.
— Leçons de ténèbres I. Acier. 33 x 33 x 145 cm.
— Leçons de ténèbres II. Acier. 28 x 37 x 169,5 cm.
— Leçons de ténèbres V. Acier. 44 x 31 x 174 cm.
— Leçons de ténèbres XVI. Acier. 30 x 30 x 184,5 cm.
— Leçons de ténèbres XXI. Acier. 38 x 30 x 184 cm.
— Leçons de ténèbres XXII. Acier. 32 x 32 x 201 cm.
— Leçons de ténèbres XXIII. Acier. 37 x 31 x 201 cm.
— Leçons de ténèbres XXIV. Acier. 37 x 31 x 201 cm.