Le toucher

Comme son nom l’indique, c’est autour du toucher que l’exposition se déploie. Il y est directement associé à la vue et au désir, ce qui met en évidence sa composante érotique. Paul-Armand Gette, ici photographe, questionne en le transgressant l‘interdit à la fois artistique et moral du toucher.

Dans l’ordre social des choses, il y a une forte injonction à ne pas mettre ses doigts partout, avec un «prière de ne pas toucher» omniprésent dans le monde culturel. En s’autorisant le passage à l’acte de toucher directement un modèle consentant pendant la séance de prises de vue, l’artiste fait pénétrer sa main dans l’espace de l’art, touchant et photographiant dans un même mouvement. L’acte de toucher, parfois crûment représenté dans les photos de l’exposition, redéfinit les distances communément acceptées entre le voyeur et le sujet regardé, entre l’artiste et le modèle.

Dans les scènes, préméditées puis jouées, le photographe découvre la poitrine du modèle vivant ou essuie son sexe : tout est dit dans l’acte de mise à nu. Des substituts du modèle (dessous féminins, pétales, fleurs, coquillages, galets, fruits…), mis en scène avec humour et finesse, ont tout autant le pouvoir de guider que de désorienter le regard.

L’injonction de Marcel Duchamp «prière de toucher», est directement transposée par Paul-Armand Gette à l’épreuve du regard pour en éprouver les limites. Le toucher exposé au regard devient lui-même objet du regard ; à ce titre, il est érotisé par la vision nette et rapprochée de l’épiderme sensible du modèle féminin effleuré.
Toutes les mises en scène du portefolio créent une zone de contact non dénuée d’ambivalences et d’ironie avec la mise en scène de cette main baladeuse qui annihile physiquement la distance et attise ainsi le fantasme entre surface et profondeur.