L’exposition « Le Temps matériel » présente au Fonds régional d’art contemporain Franche-Comté plusieurs installations de Dominique Blais autour d’une œuvre centrale que l’artiste a réalisée pour l’occasion. Une œuvre qui poursuit l’exploration des thèmes récurrents de l’artiste : la perception sensible de notre environnement et la matérialisation du temps.
Une transposition d’une symphonie de Joseph Haydn
L’œuvre intitulée Finale (Les Adieux), entre performance et captation photographique, forme le cœur de l’exposition. Un orchestre rejoue la Symphonie n°45 (en cinq mouvements) de Joseph Haydn. Cette partition a une histoire particulière puisque le compositeur l’a écrite en 1772 pour protester contre le prince hongrois Nicolas Ier Joseph Esterházy, son propre protecteur et commanditaire de l’œuvre. Pour exprimer au prince la durée excessive du séjour de ses musiciens retenus au château Esterhaza et leur souhait de regagner enfin leur foyer pour retrouver leur famille à Eisenstadt, Joseph Haydn avait imaginé un dispositif inédit. Au fil de la symphonie, les musiciens quittaient un par un la scène, après avoir éteint la bougie éclairant leur partition, plongeant ainsi peu à peu la scène dans l’obscurité totale, jusqu’à la dernière note de musique.
Rendre le temps matériel
La pièce rejouée par des élèves du Conservatoire de Besançon est captée au sténopé, appareil photographique muni d’un dispositif optique très simple dérivé de la chambre noire. Ce type d’appareil nécessite un temps très long pour impressionner le support photosensible, jusqu’à plusieurs heures. Il en résulte la possibilité de capter des réalités et des mouvements que la photographie ne peut habituellement pas saisir car ils sont trop rapides. L’œuvre vise ainsi à traduire en trace visuelle, à matérialiser des éléments immatériels tels que les sons, le temps, les ondes…
Elle s’inscrit en cela dans la démarche globale de Dominique Blais qui vise à abolir les séparations entre les différents modes de perception comme la vue et l’ouïe mais aussi entre le perceptible et l’imperceptible. La matérialisation du temps est également un enjeu important de cette démarche. L’œuvre Finale (Les Adieux) doit à l’usage du sténopé une large part d’incertitude quant au résultat final de la captation. Cette marge laissée au hasard rejoint une interrogation sur notre rapport à notre environnement et à la mémoire, rapport que l’artiste se plaît à déstabiliser.