Présentation
Didier Rykner
Le Spleen d’Apollon. Musées, fric et mondialisation
Didier Rykner est à l’origine de la pétition «Les musées ne sont pas à vendre», qui a recueilli plus de 5000 signatures. Le fondateur et directeur de La Tribune de l’Art, premier magazine d’histoire de l’art sur le Net, tient la dragée haute à l’establishment politico-culturel.
Dans cet essai critique, il égrène ses arguments contre les délocalisations du Louvre à Lens, à Atlanta (États-Unis)ou à Abou-Dhabi, et dénonce plus largement une dérive des musées vers le sensationnel et la recherche excessive de rentabilité. Un réquisitoire qui met les responsables de notre politique culturelle sur la défensive.
Le Louvre orphelin de la Joconde, Beaubourg déserté par ses Matisse, et demain, pourquoi pas, Orsay privé de Déjeuner sur l’herbe… Doit-on exporter nos collections nationales comme des produits laitiers ? La question émeut, notamment depuis l’annonce de l’ouverture d’un «Louvre 2» à Abou Dhabi. Didier Rykner dit que non.
Par cet essai, le fondateur de la très indocile Tribune de l’Art ne se borne cependant pas à ressasser ses griefs, ni à pourfendre une administration soumise à l’omerta. Il met en lumière les mutations de fonds que couve la polémique : le déclin des conservateurs en faveur d’énarques plus soucieux de profit immédiat que de conservation du patrimoine ; l’essoufflement de cette vieille mission de service publique qui visait à édifier le peuple par la contemplation de chefs-d’œuvre érigés en véritables lieux de mémoire… L’événement primerait alors sur la pérennité, l’effet d’annonce sur la connaissance.
L’auteur ne veut s’y résoudre et déploie à l’encontre de ses détracteurs, souvent dédaigneux, parfois légitimes, une argumentation d’une précision implacable.
Extraits de l’introduction
«Ce livre est né d’un constat : l’instrumentalisation toujours croissante des musées par nos dirigeants qui négligent la vocation culturelle de ces établissements pour les transformer en outils au service de la politique, de la diplomatie ou d’intérêts économiques.
Cette dérive s’est traduite récemment par plusieurs projets, chacun différent, mais qui tous se servent des musées et d’abord du premier d’entre eux, le Louvre, en oubliant, et souvent en niant leur rôle véritable : conserver les Å“uvres de leurs collections, les étudier et les présenter au public dans les meilleures conditions possibles. Ces projets ont pour nom Louvre-Lens, Louvre-Atlanta, Louvre-Abou Dhabi…
On n’aura garde d’oublier le TM (Trade Mark) dans un petit rond, qui assure qu’il s’agit bien d’une marque déposée. Le Louvre n’est plus un musée, il est devenu une franchise commerciale, au même titre que le Guggenheim, exemple naguère honni, aujourd’hui modèle à imiter, voire à dépasser. […]
Il n’est pas question de culture. Celle-ci sert d’alibi pour justifier après coup les intentions les moins avouables. Plus grave : ces opérations mettent en danger les Å“uvres et menacent, à terme, fondamentalement, les relations entre les musées internationaux, fondées jusqu’ici — plus ou moins car la situation actuelle était en germe depuis quelques années — sur les échanges gratuits. […]
Les excès actuels ne doivent pas décourager ceux qui croient encore à la fonction civique des musées.»