Stéfane Perraud
Le sarcophage de L. en M. (près de D.)
En parcourant la galerie, le visiteur découvre un espace mystérieux peuplé d’indices sculpturaux dont l’ensemble appelle à l’interprétation. Cette fiction, jouant de symboles, de signes et de lumières, se déploie sous une forme à la fois contemporaine et immémoriale.
Une lueur froide, inquiétante et douce, allant tel un fil conducteur, paraît provenir d’une source qu’il est difficile d’identifier, vecteur d’un message dans sa nature même. Un événement dont la puissance dramatique seule persiste, semble être le point commun des pièces présentées ici. Parmi les documents et les objets, les photographies et les dessins, se construit un récit lacunaire qu’il appartient à chacun de combler.
Au sous-sol, la pièce centrale, une installation vidéo, permet de visiter un second espace hors de la galerie par le biais d’une caméra motorisée. Cette dernière est conçue à la manière des robots destinés à visiter des sites sensibles, tels que les zones d’accidents nucléaires, certaines pyramides égyptiennes, ou encore la surface de la planète Mars. Le spectateur peut ainsi découvrir un espace mystérieux, sorte de cave qui met en perspective les autres œuvres de l’exposition.
Tout juste exhumées d’une crypte dont la réalité demeure incertaine et fruits de la collision de différentes époques, les autres pièces accompagnant cette exploration, se renvoyant le même écho lumineux, apparaissent comme figées dans le bref instant précédant la révélation de leur énigme. Derrière la pierre et le métal écartés par la fouille, se dissimule le matériau radioactif, feu inaltérable qui porte la métaphore d’une mémoire qui subsiste éternellement, en dehors des corps et par delà l’espace.
Les lieux présents, tels qu’ils subsistent dans la mémoire, et les lieux imaginés se confondent alors. Les souvenirs, soumis à la dégradation et à la transformation qu’imposent les fluctuations de l’esprit, font l’objet d’une exploration minutieuse, symbolique et documentée, tangible et aussi vaporeuse qu’un souvenir parvenu de l’enfance ou d’ailleurs.
Cette recherche introspective, dont le modèle s’étend de l’antiquité et la naissance de l’écriture à la fouille robotisée et aux technologies de l’exploration contemporaine, détermine un terrain dont le paradoxe est qu’on ne peut ni le circonscrire ni le placer dans le temps. Les indices, s’ils proviennent d’un domaine parfaitement intime, résonnent dans l’espace collectif et proposent à chacun de repenser son histoire non comme un ensemble d’éléments finis, mais comme des sources dont la lumière perdure et se transforme.