Béatrice Bescond, André Scherb
Le Rêve raisonne et la raison rêve
Béatrice Bescond
par Françoise Monnin
L’œuvre de Béatrice Bescond a le goût baroque du rayonnement, de l’arborescence, du battement d’ailes. Phaeton et Prométhée, empruntés à Michel-Ange et à Rubens, l’habitent aujourd’hui. Hommages ? Certes. Mais surtout «archétypes du mythe à valeur d’expérience». Le jeu de cache-montre mis au point il y a quelques années, avec d’autres figures détournées, superposées, imbriquées, évolue.
Les silhouettes ne biffent plus l’invisible, elle le cerne. Au dialogue succède la métamorphose. La peinture de Béatrice Bescond ne clignote pas. Elle palpite.
«Dans le grand triptyque Arbor-essence, le noir et le blanc prédominent. Des formes se dessinent, mais elles émergent à peine en lumière et vibrent à l’unisson avec l’air qui les entoure».
Béatrice Bescond écrit les formes. Elle cerne, griffe, nappe, irrise, pointille. Dans les labyrinthes de son graphisme l’imagination rebondit. Raffiné, cet univers cumule les allusions plastiques historiques et mythologiques. Stigmates symboliques de l’agitation, les figures animées provoquent d’étonnantes sensations à répétitions : tout se fond peu à peu dans la cadence des vibrations, au risque de l’illisible. Pluie d’étoiles ou pulvérisation atomique ? Dialogue entre le motif et le message, qui s’inscrit dans le sillage de l’idéogramme, du hiéroglyphe, de l’arabesque. Béatrice Bescond serait-elle en train d’inventer une typographie conforme à la précipitation contemporaine de notre vieille Europe ?
André Scherb
par V. Oncins
André Scherb expose ses tableaux, à Paris, à la galerie des Beaux-Arts, jusqu’au 20 avril. Tout en demeurant dans l’abstraction, l’ensemble des peintures exposées présente plusieurs aspects. La première série de années 2004 développe tout une recherche sur les tensions tant au niveau du format, de la limite qu’au niveau des matériaux (cendre, sable, acrylique). Le geste pictural compose et décompose l’espace du tableau, en superposant une trame rigoureuse, géométrique, à des traces aléatoires, spontanées du pinceau. «Certaines parties du tableau sont oblitérées par des papiers ou de la cendre, elles tombent dans l’oubli. Ailleurs, la mémoire est révélée.»
La seconde série des années 2006 laisse les couleurs se déployer à partir ou à cause de la blancheur initiale de la toile. Le geste vient ici privilégier la fluidité et la transparence. C’est l’entrée dans la couleur que vise le peintre. L’effleurement de la toile compose avec la luminosité excessive des couleurs. La structure est toujours présente mais dans l’évanescence de la touche colorée. «La couleur, précédemment masquée par les strates de matières, fait irruption ; elle est dévoilée».
Est aussi exposé un diptyque dont le support est punaisé directement sur le mur ; le papier devient pellicule de traces de peinture qui s’inscrivent dans ces grands formats verticaux. «Ne saisir que l’air, l’eau, la pierre, dans leur fluidité invisible». C’est une alliance entre l’espace en apesanteur sans prise formelle, et l’espace parsemé d’éclats, de traces qui donnent forme à cette abstraction libre.