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Le Passe-Muraille

Une intrigante et volumineuse structure blanche composée de deux longs triangles parallèles au sol occupe la salle principale du Centre, mais c’est de l’autre côté que ça se passe : sur grand écran est projetée la façade du Centre Pompidou, comme vue à travers des portes-fenêtres et précisément celles du Centre Wallonie Bruxelles, les deux bâtiments se faisant réellement face. Mais l’écran et l’architecture à laquelle il s’adosse occultent l’extérieur ; l’image se substitue au réel, en un jeu d’opacité et de transparence, qui crée une première étrangeté.

Devant la fixité de l’image, le spectateur se met rapidement à se déplacer. Ses mouvements créent alors des distorsions à l’écran : l’ouverture d’un diaphragme, supplétif de l’œil ou de l’appareil photo, écarte les parois et fait virtuellement pénétrer dans le bâtiment Beaubourg, son immense hall d’accueil, le vestiaire, jusqu’à le traverser de part en part et se retrouver à l’air libre, de l’autre côté, face aux toits parisiens, en fonction de la proximité des visiteurs par rapport à l’écran.

Au fur et à mesure que l’on entre virtuellement dans le bâtiment, les différentes zones traversées forment des tranches sur le côté de l’écran, comme des pelures d’oignon. Cet effet kaléidoscopique crée une forte impression de volume mouvant, qui pousse au toucher ; d’abord par jeu, le principe étant basé sur l’interaction entre le corps du visiteur et l’image, mais aussi peut-être pour essayer de saisir littéralement les volumes qui se dérobent au moindre déplacement.

Référence directe à la nouvelle éponyme de Marcel Aymé, où le héros a la capacité de traverser les murs, l’installation rend palpable la relation du corps à l’espace et à l’environnement urbain. Cette expérience, en dépassant la vision, suscite le désir du toucher. C’est bien le paradoxe du virtuel, où le spectateur est censé se transformer en «spect-acteur». 
Ce ressenti se fait ici au profit d’une inscription multisensorielle dans un environnement de proximité et par extension dans la ville. L’urbain n’est plus un décor où l’on se meut, mais un espace où le corps, présent et sollicité, interagit en permanence ; la représentation de l’environnement en est radicalement modifiée.

Mais on risque la déception en s’apercevant que cette expérience de téléportation nous fait traverser les murs d’un bâtiment connu, déjà vu et arpenté, qui plus est sans présence humaine, comme si la capacité offerte de passer les murs suscitait un désir de merveilleux, souvenir du sésame ouvre-toi de notre enfance. Il n’y a pas de mystère à percer ; la vérité est nue. Plus qu’à être vue, il convient de l’éprouver. La distance posée par le regard se dissout dans l’expérimentation de la relation du corps à l’espace.

Julien de Smedt Architects
— Le Passe-Muraille, 2009. Architecture de l’installation numérique.
— Le Passe-Muraille, 2009. Installation numérique, écran.
— Le Passe-Muraille, 2009. Plan de l’installation numérique.
— Le Passe-Muraille, 2008. Installation numérique, New York.

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