ART | EXPO

Le pan, la pente

31 Jan - 28 Mar 2015
Vernissage le 30 Jan 2015

La peinture de David Wolle dépasse la traditionnelle antinomie entre abstraction et figuration. De ses tableaux aux formes étranges et mouvantes émane la sensation d’une inquiétante étrangeté. L’exposition du CAP réunit une sélection de peintures récentes, des dessins et éditions inédites ainsi que les toutes premières sculptures réalisées par l’artiste.

David Wolle
Le pan, la pente

La peinture de David Wolle relève du registre de la représentation sans jamais se référer directement au réel et c’est en dépassant la traditionnelle antinomie entre abstraction et figuration qu’elle affirme toute son actualité. Deux procédés permettent en effet à l’artiste de personnifier ses motifs imaginaires, de leur conférer la même présence qu’un objet, une figure, un portrait. D’une part, David Wolle les inscrit et les détache sur un fond panoramique comme autant de décalcomanies: le motif flotte, à la dérive, dans des atmosphères ou paysages incertains. D’autre part, il les élabore en amont du tableau, autrefois grâce à de petites maquettes fabriquées en pâte à modeler, à présent sur l’ordinateur par des jeux d’incrustation et d’altération d’images. Dans le travail du pinceau sur la toile, quelque chose perdure donc de ces pratiques ludiques: la tangibilité du modelage, les prélèvements et découpes du collage numérique.

De ses motifs inventés, David Wolle transpose sur la toile leur statut, leurs surfaces et leurs matières ambigus: entre architecture et organismes vivants, pièce pâtissière et vaisselle rococo, ses formes étranges et mouvantes semblent constituées de la pâte même de la peinture. La fluidité de cette dernière, sa ductilité et ses couleurs acidulées mais instables — les blancs teintés surtout —, incarnent le sujet jusqu’à le conduire au seuil d’une difformité déliquescente et monstrueuse. La technique du blaireautage qui fond les couleurs et adoucit les surfaces, accentue paradoxalement l’inquiétude suscitée par la dissolution latente du sujet. Enfin, certains motifs s’apparentent aussi à une dent, un crâne ou des perles, renvoyant à certains symboles de la Vanité classique: la décomposition, la finitude ou la luxure, autant d’états extrêmes de la matière vivante. Car si la virtuosité de la technique de la peinture à l’huile se met au service d’une affirmation de l’acte pictural comme représentation, c’est pour mieux explorer les confins de la vraisemblance et porter le sujet à la limite de sa propre disparition.

Les titres sont également composés de signes générés numériquement et l’artiste les associe volontiers à des émoticons. Il les maintient délibérément abstraits, sans signification précise. Leur nonsense soutient l’humour qui déleste cette quête picturale de toute pesanteur, mais forme surtout une «coulée» ou une «pâte verbale» qui se pose en équivalent — plutôt qu’en complément — à la pâte picturale, préférant renforcer l’indécision du tableau plutôt qu’en orienter plus clairement le sens. Il déjoue ainsi l’épineuse question d’un langage impuissant à cerner l’œuvre et conserve à la peinture sa capacité à matérialiser une pensée sans langage. Les tableaux de David Wolle dépeignent ce qui n’existe pas encore: c’est le processus même de l’invention du vivant que la mimesis met en œuvre sur la toile.

L’exposition au CAP Saint-Fons propose non seulement un nouveau dialogue entre des travaux de ces cinq dernières années, mais également la découverte de dessins et d’éditions inédites, ainsi que les toutes premières sculptures de l’artiste.

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