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Le Musée à l’œuvre : le musée comme médium dans l’art contemporain

Présentation, collection, scénographie, intervention dans le lieu… Beaucoup d’artistes intègrent le musée dans leurs œuvres. Un essai pertinent et abondamment illustré pour analyser une pratique artistique qui fait siens les principes muséaux.

— Éditeur(s) : Thames & Hudson, Paris
— Année : 2002
— Format : 23,50 x 27,50 cm
— Illustrations : 280, en couleur et en noir et blanc
— Page(s) : 208
— Langue(s) : français
— ISBN : 2-87811-202-4
— Prix : 39,95 €

Préface
par James Putnam

Enfant, j’étais si fasciné par le musée de mon quartier que j’en imitais les méthodes de présentation. je rassemblais des fragments de pots de fleurs, des morceaux de fer rouillés et des cailloux aux formes bizarres; je les exposais dans ma chambre, derrière la vitre d’une bibliothèque, et les étiquetais soigneusement comme s’il s’agissait d’objets antiques. Sans doute est-il significatif que le plaisir spontané et naï;f avec lequel je collectionnais et exposais ces objets, outre qu’il annonçait ma vocation pour le métier de conservateur de musée, était moins suscité par l’authenticité historique de ces objets, question qui ne se posait pas, que par les possibilités de présentation qu’ils offraient. Certaines taxinomies et scénographies muséographiques possèdent des qualités esthétiques comparables à la pratique artistique, et qui peuvent même l’influencer; en effet, nombreux sont les artistes qui s’intéressent aux méthodes mises en œuvre par les musées pour présenter un panorama culturel et historique « officiel ».

Mon intention est de montrer ici l’émergence parallèle d’une tendance muséographique dans l’art et d’une utilisation du musée traditionnel comme site pour des interventions d’artistes. Certains de ces projets d’art contemporain réalisés dans des musées non artistiques ne sont guère connus des milieux de l’art, et sont publiés ici pour la première fois. En rassemblant de nombreux exemples d’œuvres relevant de ce phénomène, il devient possible d’en évaluer la signification dans le cadre plus général de la pratique artistique actuelle. Harald Szeemann, Jan Hoot, Kasper König, Jean-Hubert Martin, Michael Fehr ou Kynaston McShine, entre autres, ont déjà abordé certains aspects de ce sujet lors d’expositions ou dans leurs écrits critiques. Que soient remerciés ici Walter Grasskamp pour son étude novatrice sur le sujet de l’artiste comme collectionneur, Massimo Valsecchi pour sa connaissance exceptionnelle du travail de Claudio Costa, et Maria Gilissen pour ses conseils éclairés concernant Marcel Broodthaers, qui ont permis de mettre au clair certains détails spécifiques. De plus, le catalogue de l’exposition « Wunderkammer », excellemment documenté et dirigé par feue Adalgisa Lugli pour la 42e Biennale de Venise (1986), fut pour moi une importante source d’inspiration.

L’absence d’un ouvrage décrivant les aspects divers mais apparentés du dialogue entre le musée et les artistes contemporains était patente. L’idée d’entreprendre ce livre est née essentiellement de conversations avec Calum Storrie, que je remercie pour son utile contribution au chapitre d’introduction et pour m’avoir laissé consulter son excellente bibliothèque. Dès le début, l’élaboration d’un système de présentation visuelle du sujet s’est avérée déterminante, une tâche complexe dont Yukiko Kakuta s’est acquittée avec grande efficacité; elle a également assumé une grande part des recherches préparatoires ainsi que le travail exigeant et souvent malaisé de l’obtention du matériel iconographique.

Mais je suis avant tout redevable aux nombreux artistes, collègues et amis pour leur enthousiasme et leur engagement à l’égard de ce projet. Je partage avec eux une passion pour l’incomparable poésie visuelle du musée et un immense intérêt pour l’étude de son rôle institutionnel. La traditionnelle façade architecturale du musée, fondée sur le temple grec, évoque le pouvoir, la religion et la permanence, et le fait que le musée ait été comparé à la fois à la cathédrale et au mausolée constitue sans doute une réflexion pertinente sur notre sensibilité contemporaine.

Mon point de vue personnel sur le sujet, qui est moins celui d’un théoricien que celui d’un conservateur de musée, a été formé par de nombreuses années de travail au contact d’objets historiques et d’artistes vivants. Si les rigoureux principes d’organisation et modes de présentation propres au musée ont exercé une influence majeure sur les artistes contemporains, j’ai aussi cherché à montrer l’existence d’un échange d’idées par lequel les artistes exercent une influence tout aussi importante sur les musées. Afin de présenter ce phénomène sous une forme cohérente, il a été nécessaire d’élaborer un système de classification qui, non sans ironie, fait allusion aux systèmes de classement utilisés par les musées. Toutefois, certaines des œuvres regroupées sous un titre de chapitre particulier auraient tout aussi bien pu s’insérer dans l’une des autres sections. M’étant abstenu d’introduire quelque système hiérarchique dans la maquette de ce livre, des œuvres dues à de jeunes artistes débutants se voient attribuer une importance égale à celle d’artistes plus confirmés. En raison de l’abondance du matériel à traiter, de nombreux artistes ne sont mentionnés que dans le texte des légendes. je me suis efforcé de laisser les images parler d’elles-mêmes au lieu d’en proposer une interprétation analytique, et j’ai entremêlé des citations d’artistes au texte courant lorsque cela m’a paru judicieux.

Si ce projet visait à l’origine à une exhaustivité encyclopédique, il me fallut accepter progressivement l’idée selon laquelle le contenu d’un livre, comme une collection de musée, ne peut espérer qu’être représentatif et non définitif. Je me suis efforcé de montrer comment l’histoire du modernisme recoupe inévitablement celle des musées d’art moderne, et comment l’art du présent tend à peser toujours davantage sur ce que ces institutions exposent et collectionnent. Intermédiaire entre l’artiste et le public, le musée est un espace favorable à la rencontre essentielle avec une œuvre d’art, et j’ai foi dans la continuation de son rôle traditionnel en tant qu’institution philosophique, lieu de stimulation et d’inspiration, miroir du passé, du présent et de l’avenir.

(Texte publié avec l’aimable autorisation des éditions Thames & Hudson)

L’auteur
James Putnam est conservateur du Contemporary Arts and Cultures Programme du British Museum, où il a organisé plusieurs interventions d’artistes et expositions novatrices comme « Time Machine » (1994-1995) où se côtoyaient œuvres contemporaines et antiquités égyptiennes. En tant que commissaire d’exposition indépendant, il a organisé au Freud Museum de Londres deux expositions unanimement saluées par la critique : « Appointment » avec Sophie Calle en 1999, et « Beyond the Pleasure Principle » avec Sarah Lucas en 2000. Il est également à l’origine de projets créés pour des lieux inhabituels, telle la très belle collaboration entre Brian Eno et Mimmo Paladino à la Roundhouse de Londres (1999).

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