The Play, Lenka Clayton et Michael Crowe, Jiro Takamatsu, James Lee Byars
Le mont Fuji n’existe pas
Commissaires de l’exposition: Elodie Royer et Yoann Gourmel
1976
««Bon travail», il a dit, et il est sorti par la porte. Quel travail ? Nous ne l’avions jamais vu auparavant. Il n’y avait pas de porte.»
Richard Brautigan, Loading Mercury with a Pitchfork.
Juin 2011
La légende veut que le mont Fuji, se dressant de tous les côtés à la fois, soit visible de n’importe quel endroit du Japon. A l’occasion d’une résidence à la Villa Kujoyama de Kyoto, nous avons à plusieurs reprises cherché à vérifier cette hypothèse. On nous avait dit qu’on pouvait l’apercevoir depuis la vitre du train pour aller à Tokyo. Que par temps clair, il se dévoilait depuis les étages de certaines tours de la ville. Qu’en se rendant dans la région des Cinq Lacs, on ne pouvait pas le manquer. Qu’en prenant tel train, tel bateau, tel téléphérique, nous étions assurés de le découvrir dans toute sa sereine et conique majesté.
Nous n’avons pourtant rien vu du mont Fuji. L’expérience de sa contemplation disparaissant chaque fois derrière d’épaisses couches de brume. Remplacée par les couches plus épaisses encore de sa représentation dessinée, photographiée, sculptée. Reproduite sur des estampes, des affiches et des cartes postales, dans des jardins zen, sur des menus de restaurant et des billets de banque. En se substituant à son expérience, sa présence permanente et symbolique est venue confirmée la légende: le mont Fuji est visible de n’importe quel endroit du Japon. Partout et nulle part à la fois. Autant dire qu’il n’existe pas.
Août 1976
Le groupe japonais The Play effectue une marche de cinq jours face au vent dans la plaine déserte de Sarobetsu sur l’île d’Hokkaido. La direction aléatoire du vent déterminant le sens d’une marche sans destination prévue à l’avance. Wandering in the wind.
11 avril 2009
Mysterious Letters. Lenka Clayton et Michael Crowe envoient à chacun des 467 habitants du village irlandais de Cushendall une mystérieuse lettre écrite à la main, amorçant ainsi le projet d’adresser une lettre personnelle à tous les habitants de la planète.
1969
Lors d’une performance intitulée Stone and Numeral, Jiro Takamatsu entreprend de numéroter chaque pierre le long de la rivière Tama au Japon, dans une tentative de prendre la mesure du monde.
1994
The Perfect Smile. James Lee Byars habillé de lamé or, met successivement un chapeau noir, des gants noirs, des chaussures noires et enroule un foulard en soie noire autour de sa tête. Le sourire parfait consiste en un minuscule mouvement des lèvres.
1992
Shimabuku se rend à la Montagne aux Singes à Kyoto. Ayant appris que parfois les singes ramassent un fragment de verre et le contemplent, il décide d’y faire une exposition intitulée «Le Cadeau — pour les singes».
Janvier 2012
L’exposition «Le mont Fuji n’existe pas» est partout et nulle part à la fois. Quelque part entre une dynamique collective basée sur des gestes échappant à toute nécessité de productivité, une descente dans le quotidien sondant la nature de l’existence et la substance des choses, une lettre manuscrite qui vous est adressée, une recherche de la perfection, éternelle et éphémère, un cadeau poétique et discret. Entre ces fragments et ces paradoxes. Autant dire qu’elle n’existe pas.
Article sur l’exposition
Nous vous incitons à lire l’article rédigé par François Salmeron sur cette exposition en cliquant sur le lien ci-dessous.
critique
Le mont Fuji n’existe pas