Bien que l’exposition consacrée à l’œuvre collective de Mauricio Dias et Walter Riedweg s’inscrive dans le cadre des manifestations de l’année du Brésil (Brésils, Brésils, l’Année du Brésil en France) on n’y trouve ni cariocas, ni chirurgie esthétique, ni samba…
Le travail de ces deux artistes, qui collaborent depuis le début des années 1990, oscille entre le documentaire et l’étude sociologique au travers d’installations vidéo. Fuyant les facilités de l’exotisme pour évoquer des contrées lointaines, ils interrogent notre monde, plus exactement son aspect inachevé.
Leurs investigations évoquent le travail, les minorités sexuelles ou ethniques, l’immigration et l’intégration, les usages du quotidien. L’axe clairement argumentatif, souffre parfois de positivisme, mais refuse à chaque instant la métaphore. Le processus d’exposition complexe et la polysémie du propos jettent un pont entre l’art et une sociologie inspirée de Pierre Bourdieu.
Parmi les installations vidéos présentées au Plateau — la plus ancienne intitulée This is not Egypt datant de 1999 —, deux retiennent particulièrement l’attention : Flesh (2005), présentée pour la première fois en France, et Sugar Seekers (2004).
Avec Flesh (Chair), on est immergé dans une petite pièce aux murs noirs sur lesquels deux projections se font face. La première montre le processus de mise à mort et de dépeçage d’agneaux dans un abattoir de Berne (Suisse), et la seconde filme Mustafa, jeune enfant égyptien, assistant au sacrifice rituel du Baihran.
Si l’aspect «gore», voire un sentiment de dégoût et de répulsion qui nous assaille d’abord, l’ensemble de l’installation suscite des impressions plus confuses.
D’un coté, les ouvriers de l’abattoir font mécaniquement leur travail tentant parfois de plaisanter face à la caméra ; de l’autre, l’enfant s’applique à mimer avec tout le sérieux possible les gestes du sacrifice que son père pratique devant ses yeux.
La première vidéo nous fait expérimenter une situation taboue et refoulée dans la société occidentale : la mise à mort (même quand elle est justifiée) d’un animal. Quant au sacrifice rituel vécu à travers les yeux du petit Mustafa apparaît comme un événement social où le père communique un savoir-faire ancestral à l’enfant. Avec Flesh, on est conduit à s’interroger sur notre attitude prédatrice et sur notre capacité à nous indigner de la cruauté de certains rites tout en fermant les yeux sur nos propres pratiques alimentaires. Qu’en est-il d’une société qui refuse de tuer l’animal qu’elle prendra, par ailleurs, plaisir à déguster?
Changement de décor avec Sugar Seekers (2004). Dias et Riedweg dirigent leur attention sur les populations immigrées de Liverpool. Alors qu’un documentaire traditionnel aurait traité le sujet dans sa linéarité, les deux artistes mettent en œuvre un dispositif interactif basé sur l’emploi de mots-clés. Une projection vidéo présente sur un mur simultanément plusieurs écrans de formats différents. Entre chaque séquence, les écrans s’animent autour de mots-clés pour en faire émerger un seul. Le spectateur voit ce mot apparaître sur une table lumineuse disposée devant lui. Rappelant à la fois les écrans maniés par Tom Cruise dans Minority Report et le fonctionnement des moteurs de recherche d’internet, Suger Seekers parvient à nous faire entrer dans son propos en mêlant habilement divertissement et intelligence.
Si le propos développé par cette pièce ne nous apprend rien que nous ne sachions déjà , il parvient en revanche — comme l’ensemble des pièces présentées — à insuffler une nouvelle forme au documentaire.
Dias & Riedweg :
— Parcours, 2005. Suite de photographies & vidéo. Façade et entrée du Plateau.
— This is not Egypt, 1999. Installation vidéo.
— ∑ Flesh, 2005. Installation vidéo.
— ∑ Sugar Seekers, 2004. Installation vidéo.
— ∑ Voracidad Maxima, 2003. Installation vidéo.
Programmation vidéo
— Mama, 2000. Vidéo. 16 min.
— David & Gustav, 2005. Vidéo. 15 min.
— Os Raimundos, os Severinos e os Franciscos, 1998. Vidéo.
Espace expérimental
— Labeur, 2005. Installation vidéo.