Sur une invitation de Guillaume Leblon, la galerie Jocelyn Wolff présente le travail d’Éric Dizambourg, tout juste diplômé de l’École des Beaux-Arts de Paris. Plasticien et vidéaste, il propose son dernier film, Le Mouton noir, et une série de tableaux.
Projeté dans un petit espace presque clos, le nouveau film d’Éric Dizambourg présente un univers champêtre et burlesque qui sert de terrain de jeu à un personnage à la fois acteur et performeur. Ce médiateur évolue dans un monde de bric-à -brac où les objets paraissent souvent détournés de leur fonction originelle.
Mais cet univers prosaïque, créé de toutes pièces, transgresse le cadre de l’écran. La grange, qui est le lieu principal, se trouve en partie reconstituée autour de la projection, et les tableaux qui jalonnent les différentes scènes du film sont ici exposés dans la galerie, faisant du visiteur un alter ego du personnage. Le film est donc le point de départ d’un univers qui déborde de son cadre pour devenir celui de l’exposition.
Éric Dizambourg a cependant construit sa démarche en sens inverse. Pour lui, la question est la suivante: comment insérer ses tableaux dans une mise en scène, dans un scénario, dans le déroulement spatial et temporel d’un film? Les tableaux précèdent donc le film, et ce qui les lie ne tient pas uniquement à l’usage des toiles en tant que décor cinématographique, mais bien à l’univers bucolique et burlesque tour à tour capté, incarné ou représenté.
La peinture figurative de Éric Dizambourg présente le même univers que celui du film. Scènes de genre classique, ses tableaux aux teintes mornes et terreuses, incarnent la sobriété de l’univers pastoral. Mais comme dans le film, cette dimension se trouve contrebalancée par l’élément burlesque qui tranche avec une réalité désolée.
Un patchwork de formes géométriques et de couleurs criardes sert ici de déguisement, de costume d’Arlequin, et fait directement référence à la tradition burlesque. Dans les peintures, il apparaît sous la forme d’un bout de tissu, un vêtement, un apparât qui habille hommes et animaux. Dans le film, il est un véritable déguisement confectionné par l’artiste et porté par son personnage.
Ce leitmotiv contraste avec les couleurs ternes et l’humilité de la campagne et vient irréaliser la scène figurative pour en dévoiler toute la superficialité. Devant les tableaux, on pourrait presque penser qu’Éric Dizambourg est directement intervenu sur une peinture classique du XIXe siècle pour accoler aux personnages cet attirail grotesque qui décontextualise la scène.
En réalité, les toiles sont réalisées en deux temps: d’abord pour peindre la scène figurative, réaliste, ensuite pour la dé-réaliser, la faire basculer dans l’absurde et la détourner de son sens premier.
Figés net, les personnages apparaissent alors comme photographiés dans un mouvement de procession, que l’élément burlesque, transgressant les genres, vient transformer en défilé carnavalesque.
Liste des œuvres :
— Eric Dizambourg, Mouton noir, 2009. Acrylique sur toile. 170 x 129,5 cm.
— Eric Dizambourg, Cochon mouché, 2008. Acrylique sur toile. 331 x 263,5 cm.
— Eric Dizambourg, Chienne du monde, 2009. Acrylique sur toile. 170 x 129,5 cm.
— Eric Dizambourg, La Course, 2010. Acrylique sur toile. 140 x 210 cm.
— Eric Dizambourg, Va nu pied, 2010. Acrylique sur toile. 140 x 210 cm.
— Eric Dizambourg, Le Mouton noir, 2010. Film. 6 min.
— Eric Dizambourg, Le Mouton noir, 2010. Film et installation. Vidéo, bois, toile de jute, terre, matériaux divers.
— Eric Dizambourg, Bonjour Monsieur Dizambourg, 2007-2009. Film. 12 min.