Andrea Lomanzo
Le Métal et le Sculpteur
Il y a chez Andrea Lomanzo quelque chose du rapport amoureux dans sa façon très particulière de se saisir du métal pour en tirer des sculptures abstraites. C’est dans les chutes abandonnées par l’industrie de la grande ferronnerie que l’artiste va le plus souvent chercher les pièces d’acier qui entreront dans la composition de ses œuvres. Ces pièces d’acier, il les choisit d’instinct pour leurs potentialités esthétiques, en fonction du projet retenu. Certaines seront employées telles quelles, d’autres, en revanche, avant de trouver leur place, seront retravaillées par sciage, perçage, forgeage ou cintrage; l’objectif étant toujours de créer, en les soudant entre elles, un enchevêtrement métallique tout en gouffres d’ombre, saillies et recoins que le rêve peut investir.
Dans la plupart des œuvres, une pièce d’acier, construite dans un esprit géométrique, sert de cadre ou de support à ce chaos de formes et de volumes que seul aurait pu laisser dans la matière le passage d’un ouragan. C’est la mise en scène des débordements d’une énergie vitale qui s’inscrit dans le métal comme une lave brûlante dans le sol du volcan; une châsse pour célébrer un ordre barbare que le déploiement presque magique de la force physique du sculpteur en action a rendu esthétique.
Il y a dans le travail d’Andrea Lomanzo une sorte d’ivresse dionysiaque. On pense à un expressionnisme abstrait qui, dans un élan spontané et joyeux, se serait libéré des dernières conventions encore attachées à l’art. En ce sens, c’est, peut-être, du peintre Jackson Pollock qu’Andrea Lomanzo se rapproche le plus. Mais alors que l’artiste américain avait borné son champ d’action, pour l’essentiel, à la surface plane d’un support, bridant ainsi une recherche évidente de la profondeur, Andrea Lomanzo sculpteur ignore cette limitation.
En apportant la troisième dimension, et sans rien renier des conquêtes de l’expressionnisme abstrait, il ouvre à celui-ci de nouveaux territoires. De là ce rapport passionnel à l’espace, qu’il a d’ailleurs en commun avec le sculpteur Richard Serra. Il s’agit de s’emparer de l’espace, de le mesurer par l’amplitude du geste, réel ou virtuel, de l’occuper, comme s’il fallait en finir avec son étrangeté.
C’est pourquoi chez Andrea Lomanzo domine la tendance au monumental, le désir d’aller au-delà des limites du possible. C’est pourquoi aussi il ne cesse de tisser ses réseaux d’entrelacs, parcourant l’espace en tous sens, multipliant à l’infini les points de vue et les perspectives. A nous spectateurs, il appartient d’entrer dans le labyrinthe et d’en démêler les méandres.