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Le maniement nonchalant d’accessoires chers

D’un premier abord, un peu hâtif, il semble s’agir de peintures abstraites: de grandes surfaces quasi monochromes, grises, noires et brunes. Cette impression est démentie par une observation plus attentive: chaque peinture est en réalité la reproduction d’une partie du monde. Mais recadré par l’appareil photo, retouché avec Photoshop et opacifié par les couches de peinture, le réel est rendu méconnaissable.

Difficile en effet de reconnaître sur une toile entièrement grise le sol qu’elle a pour origine (Beton). De même une peinture totalement blanche, à l’exception d’une ligne métallique, donne peu de chance de découvrir la rampe et le mur qu’elle a pour motif (Weg). Fell, Black Magic et Heraldik offrent le même dispositif, à savoir la transformation d’un pan du réel jusqu’à une quasi abstraction. Dans la première de ces toiles, une peau de bête finit par émerger des variations de bruns. Avec Heraldik et Black Magic, le regard peine à lire un jardin et un objet en fer.

En d’autres termes, habituée à voir dans les choses les noms qui les désignent, la perception commune marque ici un arrêt. Par leur transfiguration du réel, les peintures d’Eberhard Havekost déportent le regard des noms vers les propriétés formelles du monde. Perçus sous un angle inhabituel, une rampe, un mur, une fourrure ou encore un jardin perdent en concrétude au bénéfice de leurs aspects extérieurs. Car, lorsque le motif est clairement discernable, lorsque le regard n’éprouve nul besoin de s’attarder pour comprendre ce qu’il voit, les caractéristiques formelles ne comptent plus. En même temps que la chose est nommée, le spectateur oublie son apparence.
Par le biais d’une quasi abstraction, les peintures d’Eberhard Havekost perturbent l’acte de nomination et  maintiennent l’attention sur les aspects extérieurs. Ainsi, avant de réussir à voir la fourrure et les dalles dans Fell et Béton, les yeux apprécient ces choses pour leurs propriétés sensibles.

Suspendre la perception commune est donc le projet d’Eberhard Havekost. De fait, ses peintures sont autant d’arrêts dans le cours du monde, le train quotidien étant régi par les noms et les fonctions au détriment des apparences visuelles. Mais, bien que «l’arrêt» soit l’une des ambitions de l’art, celle de faire «écart» par rapport au monde, c’est-à-dire d’offrir un recul, une pensée sensible sur le monde, est plus captivante. Et c’est ici que le travail d’Eberhard Havekost pèche. Ses toiles rivent le regard aux aspects extérieurs de la réalité, sans ce que ces derniers soient producteurs d’un sens esthétique, aussi appelé «signifiance».

Eberhard Havekost
— Heradilk, B08, 2008. Huile sur canevas. 160 x 280 cm.
— Fell, B08, 2008. Huile sur canevas. 160 x 100 cm.
— Black Magic, B08, 2008. Huile sur canevas. 120 x 80 cm.
— Weg, B08, 2008. Huile sur canevas. 150 x 100 cm.

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