Présentation
Bastien Vivès
Le Goût du chlore
Un kinésithérapeute conseille vivement à son jeune patient d’aller à la piscine, avant qu’il ne puisse plus rien faire pour son dos. Le jeune homme finit par s’y rendre, au début à contrecœur.
L’auteur nous immerge alors avec habileté dans ce monde commun mais un brin parallèle, la piscine. Tout y est : les cheveux dans le bonnet, les lunettes, les douches, le pédiluve, les séchoirs à cheveux accrochés au mur, les longueurs où l’on se cogne aux autres nageurs, le toit comme office de repère quand on nage sur le dos, les corps regardés contre leur gré, l’anonymat, le bleu turquoise…
Une gamme colorée éthérée nous aide à voyager dans cet univers, jusqu’à y sentir l’odeur du chlore et y prendre goût, comme notre personnage et la femme qu’il y rencontre.
Le dessin aussi y contribue. Des lignes frêles esquissent les contours hors de l’eau, et disparaissent dans l’eau. Elles opèrent une frontière ténue, mais drôlement efficace. Un autre monde s’ouvre à nouveau. Sous l’eau, tout est plus flou… Mais c’est cependant là que ma lecture s’est égarée. En effet, ce qui se passe sous l’eau m’est apparu parfois obscur, malgré le bleu –clair- et les contre-plongées.
«Mais qu’est-ce qu’elle dit??? » Je ne sais pas lire sur les lèvres de mes contemporains, et, même en mimant le mouvement pour m’aider, en vain. Le jeune homme de l’histoire non plus apparemment n’a pas su déchiffrer le message délivré en apnée sur les lèvres de la jeune fille. Peut-être est-ce fait pour que je me mette à sa place : dans l’expectative ? Soit.
Un ami m’a fait part de son interprétation (il parle couramment italien) et la seconde lecture a été plus fluide. L’apparition suivante de la jeune fille a été pourtant plus facile à lire pour moi. Quant à la succession finale de mouvements labiaux, j’ai renoncé à les comprendre.
Certes, ces deux mondes, celui de la réalité et celui du rêve, se côtoient aisément et avec grâce dans cet album, cependant j’ai déjà vu le spectacle de rêves plus limpides. Être laissée libre d’interpréter à souhait mes lectures, laisser libre cours à mon imagination, oui, cela dit j’ai besoin de davantage de contours…
Les lecteurs avec qui j’ai partagé cette lecture ont souvent été perdus, comme moi, mais certains ont trouvé au contraire de la poésie hors des repères. Les flous sont parfois artistiques…
Â