Laetitia Bénat
Le Fond du Ciel
Pour sa seconde exposition, la galerie Crèvecoeur reçoit une proposition de Laetitia Bénat. Sous l’intitulé «Le fond du ciel», l’exposition réunit une série de dessins sur papier, grands et moyens formats, sans toutefois délaisser l’espace mural. Des photographies récentes accompagnent les dessins dans une forme d’harmonie fantasmagorique voguant entre évocation imaginaire et réfutation du sujet romanesque. Un texte épigramme situé entre le développement et le dénouement, la non action et l’absence de fin, fixe dans le temps la narration.
Les dessins de Laetitia Bénat, entre minimalisme formel et allégorie romantique, oscillent entre de poétiques eaux troubles où se voient convoqués le mythe de Daphné courtisée par Apollon, l’hermétisme du seizième siècle dont Marguerite Yourcenar s’est faite le chantre et les muses policées de Marie Laurencin. Tant dans la retenue que dans l’affranchissement du trait, la pratique de Laetitia Bénat mobilise des créatures féminines aux contours délicats, des hommes aux corps d’éphèbes. Ces figures évoluent dans un monde où l’androgynie règne sur la dichotomie sexuelle traditionnelle. Dans cet univers teinté d’imaginaire et de fable, le visiteur se trouve plongé dans une certaine incertitude provoquée par un traitement virtuose du filaire, occultant l’évidence de la forme récurrente. Les figures sont esquissées mais certaines, et traitent de la suggestion plus que de l’absence.
Laetitia Bénat nous plonge dans ses ambiances diaphanes où de fréquents entrelacs mêlent corps humains et animaux réagissant à l’unisson, dans un permanent souci d’harmonie. Pour «Le fond du ciel», l’aquarelle et les tons clairs, souvent pastels, viennent converser avec ces
sources atemporelles sans pour autant reléguer le trait au rang de contour.
Dans ce monde composé de créatures en équilibre, souvent mi-hommes mi-dieux, de sobres et désuets paysages photographiés posent le cadre d’une trame. Et si, comme l’explique Jean-Pierre Rehm, «la chance de la photographie réside précisément dans sa propre obsolescence», c’est la mise que Laetitia Bénat (comme Philip Lorca di Corcia ou encore Beat Streuli) a choisi de jouer. De cette pratique photographique simple et presque amatrice, ses clichés retirent une puissance évocatrice rare où la nonchalance se marie à une justesse du sujet. Thématique apparemment banale mais d’où le regardeur ne ressort que circonspect.