Le flamand craquelé, c’est l’homme meurtri, l’homme qui saigne. Celui qui se fêle sous les coups de la vie et crie sa souffrance, son étonnement face à l’absurdité de l’existence. Ses personnages sont comme autant de marionnettes en représentation. Nous assistons au spectacle de la tragédie humaine qui finalement se conclut sur un «merci» si souvent affiché sur ses tableaux ou dans leurs titres. Serait-ce son mot de la fin? Un mot qu’il aime à utiliser avec une ironie qui fait froid dans le dos. Ses «mercis» sont des mercis déçus, des mercis non, je m’en passerai bien.
En paroles, il aime prendre le contre-pied des images comme pour rendre la douleur plus intense. Il représente son divorce et l’intitule Le Mariage, il témoigne du suicide de son ami et lui accole le titre Le Plaisir. Comme il le dit dans l’un de ses tableaux: «Merci pour la lucidité»! L’homme souffre de voir l’absurdité de nos vies blessées, comme faites pour le drame.
Le centre de gravité de son travail se situe dans son expérience personnelle. Il pratique une peinture sale à la facture spontanée, laissant ouvertement place aux pulsions enfouies et à la fascination pour tout ce qui touche à la douleur, la blessure. Admiratif des œuvres de Bataille ou d’Artaud, Bart Baele semble continuellement travaillé par des pulsions de mort et une violence intérieure.
On relève certains thèmes récurrents dans ses peintures comme le génocide des Juifs, le suicide (notamment en référence à celui d’un de ses amis), les armes, la scène de théâtre, le traumatisme et la thérapie. Avec des moyens simples et l’utilisation de symboles récurrents comme la croix ou la tête de mort, ses compositions éveillent le questionnement et suscitent l’ouverture des interprétations.
Dans les quatre peintures en grand format exposées ici, sa manière est davantage esthétique et la couleur — que ce soit le noir ou le rouge — prend véritablement corps. La toile intitulée Le Plaisir est particulièrement réussie de par l’accumulation des couches et des coups de pinceaux qui fait littéralement émerger de la couleur une présence vibrante du sujet, tout en manifestant le corps meurtri et sanglant du suicidé dont le visage est déjà décharné. Émotionnellement, on retrouve de la force du Cri de Munch.
Partout, la douleur est à vif. L’artiste ne se cache pas derrière une belle manière ou des concepts abstraits, il travaille pour extérioriser ses démons. Mais parmi tous ces drames, on peut déceler un appel d’air. Par l’utilisation de symboles, il introduit de la dérision et de la distance dans ses propos. Et l’humour qu’on y décèle parfois, même s’il est noir, est sans doute la condition de sa survie.
—Â Le Mariage, 2006. Huile sur toile. 40 x 50 cm
—Â Le Plaisir (la torture), 2010. Huile sur toile. 210 x 175 cm
— Autoportrait-Le Théâtre, 2010. 59,5 x 40 cm. Huile sur toile
—Â Munch, 2009. Huile sur bois. 61 x 40 cm
— Sans titre N°14. Technique mixte sur papier. 36 x 28 cm
— Sans titre N°2. 33 x 39,5 cm