Giuseppe Penone
Le corps d’un jardin
Pour Laurent Busine, «Les formes sont multiples et variées, qui nous conduisent à sortir de nous-mêmes, à projeter dans l’espace des faisceaux invisibles (des vues, des traces, des odeurs), à rencontrer des formes et des propos, qui se heurtent aux formes et aux propos tenus par le sculpteur qui les a construits et installés; et c’est sur eux que l’esprit émerveillé se pose.» (Laurent Busine, Le corps d’un jardin, Galerie Marian Goodman, Paris, 2013.)
Comme toujours dans le travail de l’artiste italien, il est question du geste et de l’empreinte, d’ombre et de lumière, de la surface et du regard.
Giuseppe Penone raconte qu’il a commencé à privilégier la sculpture en négatif alors qu’il était encore étudiant à l’Académie des beaux-arts de Turin. En observant un jour un professeur modelant un buste en argile, il n’a été sensible qu’aux empreintes des mains dans la terre. Giuseppe Penone attache également une très grande importance à la connaissance des matériaux organiques, qu’il a développée au fil des années au contact de la nature. La sélection d’œuvres de l’exposition rend compte de toutes ses recherches et de la poésie de sa pratique.
Dans la première salle, Albero e gesto (1985-1991) et Gesto Vegetale (1984) allient deux gestes, le geste végétal au geste du sculpteur. Gesto Vegetale associe une posture du corps humain figé en bronze à un élément vivant (un ficus) en constante mutation.
«Mais l’arbre, quand il se déplace dans l’espace change de forme. Il conserve la mémoire du geste qu’il fait. On peut dire qu’il y a une similitude entre le geste du sculpteur et ce geste végétal, figé dans la matière. C’est ce qui explique le titre que j’ai donné à ces
œuvres.» (Giuseppe Penone dans Entretien (15-01-03 – 11-06-03) p. 276, in Catherine Grenier, Giuseppe Penone, Centre Pompidou, Paris, 2004.)
En extérieur avec des arbres en terre ou en intérieur avec des arbustes en pot, la série des Gesti Vegetali évoque aussi le mythe ovidien de la métamorphose de Daphné, ou la transformation de l’humain en végétal.
Dans la grande salle du rez-de-chaussée deux grandes sculptures constituées de plusieurs parties complémentaires produisent des effets de clair-obscur. Tra… (2008) représente un tronc d’arbre non équarri et brisé en deux parties reposant sur ses branches comme des animaux sur leurs pattes. La dorure à la feuille éclaire la zone de rupture du tronc et recolle visuellement les morceaux.
A l’image de l’Arbre des voyelles du Jardin des Tuileries, Giuseppe Penone a ici détourné la verticalité / vitalité de l’arbre et utilisé le bronze pour le fossiliser. Réalisée avec la technique du moulage à la cire perdue, la sculpture en bronze, suite à son oxydation, a pris la couleur même du végétal.
A partir des lignes d’une empreinte digitale, des sillons en terre-cuite forment un cône découpé en trois parties, soutenues par des branchages en bronze. Ombra di terra (2000) est une tentative de matérialiser l’ombre portée d’une empreinte ajourée.
Au sous-sol de la galerie, Spine d’acacia-palmo (2004) est un exemple parfait des œuvres que Giuseppe Penone a réalisées avec des épines, avec lesquelles il dessine des détails agrandis de différentes parties du corps (ici la paume d’une main). Les épines qui évoquent la douleur et la blessure introduisent une légère tension.
«Les épines ont constitué un travail autonome, que j’ai relié aux recherches sur l’empreinte. J’ai en effet dessiné une empreinte avec les épines, signifiant que les points de contact de la peau, les endroits où l’empreinte dépose, sont les terminaisons nerveuses de la peau. Le dessin, de l’empreinte était réalisé sur une toile recouverte de soie, dont la transparence me permettait de coller les épines en suivant précisément le dessin. La soie étant une matière animale, l’œuvre joue donc sur trois éléments: l’animal, le végétal et le minéral.» (Giuseppe Penone dans Entretien (15-01-03 – 11-06-03) p. 276, in Catherine Grenier, Giuseppe Penone, Centre Pompidou, Paris, 2004.)
Pour la série Peaux de feuilles, Giuseppe Penone est parti du principe que la structure de la peau était semblable à la surface d’une feuille.
Pelle di Foglie-2° volto-mano (2007) construite à partir de branchages en bronze dressés vers le ciel, n’est autre que l’empreinte d’un corps dans un feuillage comme lorsque celui-ci pénètre dans un buisson et y dépose sa forme. L’exposition inclut également un corpus d’œuvres sur papier. 16 pagine (2008) sont des compositions d’empreintes de feuilles et de végétaux à l’aide de pigments de différentes couleurs.
Pour son rendez-vous annuel avec la création contemporaine, le Château de Versailles a invité Giuseppe Penone. Ses sculptures monumentales dialogueront avec le célèbre jardin conçu par André Le Nôtre, l’année du 400e anniversaire de la naissance de ce dernier. Le commissariat de cette exposition, qui se tiendra du 11 juin au 30 octobre, a été confié à Alfred Pacquement.
Vernissage
Samedi 25 mai 2013 Ã 18h
critique
Le corps d’un jardin