Thierry Mouillé
Le chant, abcdefghijklmnopqrstuvwxyz,;.:1234567890/+-x
Thierry Mouillé crée en 1988 la Fondation Mouvante, afin d’envisager un monde sans racine et traversé par les articulations, les perturbations et les recompositions. On perçoit en cela, à travers son œuvre, une incidence du minimalisme qui se joue aussi bien dans ses postulats de départ que dans la réalisation de ses pièces. Toujours, à l’origine, un objet à la sémantique épurée, un mobile des plus sérieux, ou une constatation fragile mais limpide. Puis vient le petit décalage avec la réalité, le déracinement ou la métamorphose qui témoigne d’un « retrait du sol », d’une géographie bouleversée car peu familière.
Le mouvement qu’initie Mouillé consiste en une reformulation de situations réelles, ou plutôt en un jeu de transpositions et de détournements, sous-entendu la variation quasiment ludique des objets, des matériaux ou des situations. La notion de territoire s’étend et se déplace, les microcosmes et les entités locales, nationales, sont débordées au profit d’acheminements et de métamorphoses dynamiques.
Au cours des années 1990, Thierry Mouillé se consacre également à la création de territoires émergeant de processus intellectuels, des espaces que l’on pouvait qualifier de mentaux. Désignés par l’appellation d’Espaces Comprimés, ceux-ci apparaissent en exposition sous la forme de portes closes. Le Chant que présente la Médiathèque de Vouillé en partenariat avec le Frac Poitou-Charentes, est l’un de ceux-ci. L’installation se constitue de 46 portes creuses transformées en caisses de résonance. Les visiteurs sont invités à venir pincer les cordes de piano intégrées aux portes afin d’inventer leurs propres chants: « sur chaque porte se dessine en creux une lettre de l’alphabet, un chiffre, un signe de ponctuation, affectés chacun d’une corde de piano – l’espace se développe alors comme un clavier musical géant, capable, virtuellement, de faire vibrer tous les sens et d’enfanter tous les chants possibles, en tant qu’il peut combiner à volonté toutes lettres, sons, chiffres, signes de ponctuation» (Cyril Jarton, Thierry Mouillé, La Fondation mouvante, 1988-1998, Frac Poitou-Charentes, 1998, p. 44.).
En effet, les combinaisons sont quasiment infinies et irréversibles, les sonorités ne peuvent jamais être reproduites, en conformité avec une géographie nomade qui jamais ne revient sur ses pas.