La première installation se présente sous la forme d’une table sur laquelle sont réparties de grandes photographies. Grâce à un système de fentes, les images peuvent circuler librement sur et sous la table. Gondolé, retroussé, pendu dans le vide, le papier initie des mouvements. L’ensemble semble vivant et dans un état transitoire. Les grandes photographies représentent, dans différentes postures, la danseuse Shiho Ishihara, que l’artiste a rencontrée pendant une de ses expositions au Japon. Seulement suggérée par des images, la chorégraphie reste silencieuse et désincarnée, comme mise à distance.
Les positions et les gestes esquissés par Shiho Ishihara sont inspirés de l’histoire de l’art. Ils correspondent en effet à celles des quatre personnages photographiés par l’artiste américain Jeff Wall dans «A Sudden Gust Of Wind» (1993). Dans cette série, Jeff Wall décrit quatre personnes dans la nature, prises de surprise par le souffle violent d’une rafale et gesticulant de manière assez grotesque. En somme, une chorégraphie à l’improviste et outrée.
D’une part, l’insertion de son travail dans l’histoire de l’art est une constante chez Jimmy Robert. Elle lui permet d’engager un questionnement sur son statut d’artiste et son rapport aux autres pratiques artistiques, la photo et la danse en particulier.
D’autre part, la gesticulation outrée du corps met en évidence son potentiel évocateur, sa valeur de langage. Elle entre aussi en résonance avec une forme de danse, dont Shiho Ishihara est passionnée: le Bûto, qui consiste à se métamorphoser librement en des forces obscures.
Dans l’autre salle, Jimmy Robert répond à la première installation par une autre chorégraphie: la sienne. La construction joue sur une mise en abîme: les photos de l’artiste dansant sur une table sont disposées sur la table réelle. Les postures, non académiques, sont le fruit de la seule spontanéité de l’artiste, qui aime se dire «non-danseur». Son visage dissimulé au regard du spectateur éloigne tout affect et toute connotation personnelle. La danse est une source d’inspiration pour Jimmy Robert et le corps humain un moyen de représentation parmi d’autres.
Chaque installation est accompagnée d’une oeuvre murale, qui fonctionne comme un décor.
Dans la première salle, un rouleau de soie rose ne laisse apparaître que son revers ébouriffé de fils d’or, qui dessinent des motifs inachevés de vaguelettes. La pièce de tissu se déroule depuis le plafond et vient atterrir en gondolant sur l’assise d’un tabouret, dont les pieds emprisonnent des ramettes de papier A4. Comme si la suite des motifs restait à écrire.
Dans la seconde salle, une surface creuse en bois confronte trois éléments en papier qui traduisent tous à leur manière une source commune. D’abord, une photographie restitue un objet réel, un rideau de scène par exemple. Puis, une feuille de papier en isole la couleur exacte. Enfin, une troisième action en interprète la consistance, par le froissement d’une feuille par exemple.
La question de la représentation — ses moyens, son instabilité et ses limites — anime les installations de Jimmy Robert. Composant par juxtaposition et par couches, celui-ci fait dialoguer différents médiums pour signifier la complexité de la lecture des images. Non spécialisé, il aime l’hybridation des pratiques.
La feuille vierge est un autre leitmotiv de son travail. Eparse au sol ou bien rangée dans une pile, elle a pour fonction de masquer. Elle peut dire l’absence et l’effacement de la mémoire. Elle veut dissimuler la représentation, qu’elle recouvre souvent.
Les installations de Jimmy Robert font penser à des mini-scènes. On les imagine aussitôt habitées par des corps. Mais il n’en est rien. Ses dispositifs ne fonctionnent pas comme des décors ou des traces de performances. Considérés par l’artiste comme des «non-scènes», ils cherchent paradoxalement à cacher plus qu’à montrer.
— Jimmy Robert, Untitled (détails), 2010. Tissu japonais brodé vintage, support en MDF et Multiplex plaqués hêtre et hêtre massif, papier A4. Dimensions variables
— Jimmy Robert, Sans titre, 2010. Tirage jet d’encre sur papier Archivé, cadre en MDF et Multiplex plaqués hêtre, papier coloré, calque, peinture en spray, 80 x 60 x 11 cm
— Jimmy Robert, vue d’exposition, «Le Bonheur d’être dupe (pas de deux)»,  Art: Concept, Paris, du 4.09.10 au 23.10.10
— Jimmy Robert, Sans titre (détails), 2010. Tirage jet d’encre sur papier Archivé, table en MDF et Multiplex plaqués hêtre et hêtre massif. 300 x 180 x 70 cm
— Jimmy Robert, vue d’exposition, «Le Bonheur d’être dupe (pas de deux)»,  Art: Concept, Paris, du 4.09.10 au 23.10.10
— Jimmy Robert, Sans titre, 2010. Tirage jet d’encre sur papier Archivé, table en MDF et Multiplex plaqués hêtre et hêtre massif. 100 x 100 x 70 cm