L’exposition « Le bonheur de deviner peu à peu » rassemble sept œuvres appartenant à la collection du Musée d’art contemporain de Lyon. Sous la forme de sculptures, installations, documents d’archives, performance et lithographies, ces sept œuvres d’artistes modernes et contemporains majeurs se télescopent dans un parcours aux allures d’énigme.
Le bonheur de deviner peu à peu : le propre de l’art moderne
Le titre de l’exposition reprend l’ambition poétique de Stéphane Mallarmé qui définissait la jouissance du poème comme le bonheur de deviner peu à peu. Le poète situait l’enjeu de la poésie dans la suggestion, le déchiffrement et l’usage du mystère qu’est le symbole, et non dans l’action de nommer les choses. De la même façon, l’exposition affirme l’apparent hermétisme de l’art moderne en même temps que sa dimension évocatrice.
La sculpture Chalk Desk and Chairs est composée d’une chaise, d’un pupitre et d’un cartable d’écolier, le tout peint en blanc et reposant sur un socla blanc. Celle intitulée Astronaut Jesus montre un corps humains seulement discernable par ses veines et suspendu, avachi, dans l’air. Ces deux œuvres de Tavares Strachan évoquent l’enfance et la mort de celle qui fut la première astronaute : Sally Ride, rayée de l’histoire parce qu’elle était femme et homosexuelle. A travers elle sont explorées les raisons pour lesquelles des noms majeurs de l’histoire scientifique ont été effacés de la mémoire collective.
Mel Ramos et Orlan : deux approches des diktats de beauté
Cinquante-sept lithographies de Mel Ramos exhibent des corps féminins correspondant aux canons véhiculés par la société américaine, de la presse masculine à l’entertainment hollywoodien, associés à des produits de consommation. Cette série intitulée Beautés familières a une portée ambigüe. Son interprétation ne peut être tranchée : par l’utilisation minutieuse des couleurs, les poses aguicheuses des modèles, il est possible d’y voir la simple représentation d’un fantasme masculin, autant que l’on peut y lire une dénonciation de l’utilisation du corps féminin en tant que faire-valoir de produits commerciaux.
C’est la même réflexion autour du formatage du corps des femmes par la société qui irrigue la démarche d’Orlan. A travers un processus créatif qui l’engage personnellement, l’artiste rejette les impératifs de beauté qui nous sont imposés. Les opérations chirurgicales qu’elle a subies de 1990 à 1993 ont été mises en scène et filmées pour à la fois renvoyer en miroir la violence des diktats de beauté et façonner sous nos yeux un nouveau corps libéré de ces derniers.
 Des œuvres d’Ilya Kabakov, Eduardo Basualdo, Cai Guo-Qiang et Jean-Luc Parant complètent un parcours qui se veut une succession de rencontres avec des artistes. Ces dialogues avec des œuvres faisant partie du fonds du Musée d’art contemporain de Lyon explorent aussi la démarche du musée lui-même et ses enjeux : l’acquisition d’œuvres, leur conservation, leur exposition et l’entretien d’un questionnement autour d’elles.