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L’Autruche peut mourir d’une crise cardiaque en entendant le bruit d’une tondeuse à gazon qui se met en marche

Jouant de la géométrie variable de la salle de la Ménagerie de verre, la performance L’Autruche peut … nous plonge au coeur d’une leçon d’aérobic — dopée de stéroïdes — qui respire un bien être dans l’air du temps, fait couler des gouttes de sueur et décroche quelques gestes rappelant le salut nazi ou des coups de kick-boxing. Les corporéités bien marquées et différentes des Chiens de Navarre sont engagées dans une performance physique qui donne le ton de la soirée: des chansons rythmées et commerciales, un coach «à fond» aux tendances exhibitionnistes. A la fin de l’exercice, tous se confondent en congratulations réciproques et petits cris d’enthousiasme à l’américaine, tous fiers de leurs exploits.

Comme avec Michel Guttierez ou Massimo Furlan, nous sommes dans le règne d’une culture populaire et de l’image, mais à la différence de Last Meadow ou 1973, les performers de Jean-Christophe Meurisse incarnent non plus des figures cultes du cinéma américain ou des stars d’une nuit d’Eurovision, mais des individus lambda. Le texte et l’improvisation partent d’une observation fine des réactions les plus anodines. On tend vers des abysses de platitude — la culture populaire là où elle est digérée et recrachée… autour d’une table.

Les six convives s’évertuent constamment à brouiller les frontières entre réalité et personnages, entre public et scène. On trinque à l’amitié et le public est intégré à ce toast. Pourtant une barrière est bien en place — les spectateurs du 1er rang sont couverts de bâches en plastique, principe de précaution qui nous met sur nos gardes! Les Chiens de Navarre tendent un miroir sans concessions et au-delà des fous rires à n’en plus finir, l’image de soi est méthodiquement éclaboussée au rythme des giclées de vin rouge qu’une des performeuses projette dans un bol. Si on ne les savait pas hommes et femmes de lettres, agrégés, on pourrait les prendre pour des beaufs! Ils font magnifiquement parade de la violence ordinaire et des mécanismes d’inscription dans l’ordre de la nature des traits culturels, fondements du racisme et du chauvinisme. Et quelle meilleure occasion qu’une discussion sur l’Europe, les guerres et les atrocités qui l’ont secouée — qui donnent lieu à une indignation bien-pensante — et l’Union Européenne dont les bases furent posées en mars 1957.

Cet humour n’épargne pas pour autant ceux qui se croyaient à l’abri: Marie-Thérèse Allier, le public habituel de la Ménagerie de verre, les polémiques et querelles consanguines visant la non-danse, les distinctions parfois arbitraires au sein des arts de la scène, les dictats de la mode et l’esprit de chapelle. Il peut parfois être rafraîchissant d’écouter les hantises d’un circonscrit dont le cauchemar récurrent est de courir après son prépuce, d’assister à l’interprétation d’un morceau de flamenco muet accompagné à l’aspirateur ou de saluer l’entrée en scène d’un énorme champignon vénéneux et débonnaire.

La performance physique se niche dans les pratiques les plus inattendues, prend des formes inouïes, surprenantes — l’aérobic, le chant en chorale (L’Hymne à la joie) dont on loue volontiers les vertus, le penchant exhibitionniste, la bagarre, la forme vide pour laquelle Jean-Luc se fait engueuler et l’engueulade elle-même!

Après une mise en abîme radicale à travers la répétition — reprise fort fidèle de la performance avec ses blagues grasses qui passent moins bien la seconde fois, quoi de plus naturel que de voir tout ce petit monde déferler dans la rue par la porte du garage de Marie-Thérèse!

— Durée: 60 minutes
— Avec: Caroline Binder, Antoine Blesson, Robert Hatisi, Manu Laskar, Anne-Elodie Sorlin, Maxence Tual, Jean-Luc Vincent.
— Lumières: Mikael Oliviero

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