Charles Steffen
L’autre maître de Chicago
Charles Steffen (1927-1995) et Henry Darger (1892-1973) ne se sont jamais rencontrés, alors qu’ils habitaient le même quartier de Chicago. En revanche, leur reconnaissance posthume comme maîtres d’un art «irrégulier» les a en quelque sorte réunis. Tandis que le second, découvert dans les années 70, est désormais adoubé par les élites de l’art, Charles Steffen, exposé plus récemment, est encore pour beaucoup un inconnu.
Alors que Charles Steffen, contrairement à Henry Darger, avait commencé par suivre un enseignement artistique avant que la schizophrénie ne change le cours de son existence, ses références — de Redon à Picasso, en passant par Duchamp — semblent être autant d’ancres pour éviter une dérive irrémédiable.
Et bien qu’il se dise accablé par des pulsions créatrices irrépressibles, Charles Steffen ne pouvait se soustraire à l’injonction de ses «voix». Après une décennie d’internement et de traitement aux électrochocs, il revint dans le giron maternel et coucha sur papier d’emballage, durant plus de quarante ans, un témoignage aussi poignant par le texte que déconcertant par la forme. Qu’importent les tuteurs artistiques qu’il invoque, rien ne ressemble à du Charles Steffen, tant il transgresse les modes convenus de représentation.
Son œuvre, découverte à sa mort — survenue moins d’un an après la disparition de sa mère — est une magistrale démonstration de cet intime qui confine à l’universel, d’un esperanto formel né d’un style à nul autre pareil. Seules deux milles œuvres, soit les cinq dernières années de sa production, purent être sauvées. Sa sœur, effrayée par leur accumulation et par crainte d’un incendie, ayant tout détruit au fur et à mesure.
critique
L’autre maître de Chicago