Avec Laurent Proux, abstraction et figuration picturales deviennent les signes d’un discours sur le capitalisme avancé. Peints d’après des photographies de lieux de travail temporairement désertés, ses tableaux se tiennent à la frontière de ces deux «genres» picturaux afin de symboliser l’abstraction croissante des opérations financières et l’aliénation des classes salariales — due à une division accrue des activités productives — qui menacent toutes sortes de milieux professionnels.
Ainsi de Baies. Centre de données, Aubervilliers, qui juxtapose une allée parsemée de fauteuils représentée en perspective à la description quasi bidimensionnelle d’un placard grillagé contenant des fils électriques colorés. La mise en contact de motifs dématérialisés avec un espace illusionniste, chacun issu de la sphère du travail, allégorise ici les dérives de l’économie-monde.
Laurent Proux poursuit cette logique avec Montage. Centre de données, Aubervilliers, où une représentation tridimensionnelle de câbles à haute tension est apposée à un aplat de couleur blanche. Cela l’amène à son point limite avec Sans titre, une Å“uvre sur papier strictement abstraite parsemée de croix et de ronds bleus. Finalement, il étend sa logique à l’univers agricole avec Fagots. Partizanskaya, Moscou où la figuration de fagots de bois est rabattue sur la surface plane du tableau.
En somme, Laurent Proux donne une dimension politique à des «genres» picturaux qui a priori n’en n’ont pas. La peinture devient entre ses mains une rhétorique politique.
— Laurent Proux, Baies. Centre de données, Aubervilliers, 2010. Huile sur toile. 220 x 206 cm.
— Laurent Proux, Montage. Centre de données, Aubervilliers, 2010. Huile sur toile. 220 x 206 cm.
— Laurent Proux, Fagots. Partizanskaya, Moscou, 2010. Huile sur toile. 130 x 130 cm.
— Laurent Proux, Grilles. Aubervilliers (2), 2010. Huile sur toile. 190 x 190 cm.
— Laurent Proux, Sans titre, 2010. Graphite et peinture en bombe sur papier. 100 x 70 cm.