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Laurent Proux

05 Nov - 24 Déc 2010
Vernissage le 05 Nov 2010

Les dernières peintures de Laurent Proux, réalisées à partir de photographies de salles stockant des données informatiques, exacerbent les effets de matières, de miroitements et de reflets.

Communiqué de presse
Laurent Proux
Laurent Proux

Cela fait plusieurs années que Laurent Proux a jeté son dévolu sur un champ iconographique, se résumant à des espaces d’activités (bureaux, entrepôts, lieux de stockage et de maintenance) et de services (taxiphones), inusité dans la peinture contemporaine.

Jusqu’à l’avènement de ce que l’on pourrait appeler le capitalisme tardif, le médium pictural avait su pourtant se montrer perméable aux propriétés et mutations du monde du travail, témoignant aussi bien des enjeux de l’agriculture que de l’industrie. Le passage de cette dernière à un processus synonyme d’ informatisation, pour reprendre le terme employé par Michael Hardt et Antonio Negri dans Empire, marque de toute évidence la dévaluation d’une forme de visibilité, la peinture étant pour ainsi dire, contrairement au cinéma, dans l’incapacité de saisir la nature «dématérialisée» d’une économie de services.

Sans doute, Laurent Proux est-il parti de ce constat d’échec pour développer un propos dont le but n’est pas de documenter, du moins pas exclusivement, les univers dépeints mais d’instrumentaliser ceux-ci à une fin spécifiquement picturale. On en veut pour preuve que les différents espaces représentés sont désolidarisés de toute présence humaine qui pourrait donner un semblant de légitimité à une captation soucieuse d’accentuer les ressorts économiques ou sociologiques inhérents à tel ou tel lieu d’activité.

Malcolm Morley, peintre auquel on serait tenté de comparer Laurent Proux, a déclaré un jour qu’il était dans les années 1960 à la recherche d’«une iconographie indemne de l’art» afin de pouvoir développer, sans entraves, un propos tout aussi pictural. Le peintre d’origine britannique avait su dans cette perspective s’approprier des cartes postales, brochures touristiques et autres photographies imprimées avant de les transférer, via sa technique photoréaliste, sur toiles.

Les motifs, quels qu’ils soient, lui importaient peu, du moment que ceux-ci, selon la formule de Jean-Claude Lebensztejn, n’avaient pas été «touchés» par l’art. Quarante ans après, Laurent Proux nous démontre que de tels territoires vierges existent encore et ce en dépit du fait, comme nous le rappelle fort opportunément Thomas Demand «qu’il y a aujourd’hui plus d’images dans le monde que de réalité même».

Les taxiphones et autres «call centers» sont au coeur de l’univers si singulier de Laurent Proux. Ces magasins, principalement fréquentés par des immigrés en mal du pays constituent des univers peu spectaculaires et étouffants. Les espaces exigus y sont optimisés par des cabines jouxtées offrant une surface d’intimité réduite à l’essentiel. Deux ou trois ordinateurs avec un accès à Internet et un comptoir les complètent.

Ces données sont, rappelons-le, strictement anecdotiques. Même si la neutralité de ces lieux correspond aux attentes de l’artiste, soucieux, dans une optique somme toute «minimaliste», de ne pas exprimer une quelconque forme d’empathie avec les motifs appropriés. A l’image de l’usage que peuvent en faire ses utilisateurs, les taxiphones sont aux yeux de Laurent Proux des motifs transitoires.

Ils ne suscitent aucun attachement et ne sont que, une fois relayés par la photographie, «pure» image, rappelant en cela le fameux et discutable credo richtérien. La photo, affirme le peintre allemand, «n’avait aucun style, aucune composition, elle ne jugeait pas, elle me libérait de mes expériences personnelles. D’emblée, elle n’avait rien, c’était une image à l’état pur. Voilà pourquoi je désirais l’avoir, la montrer, non pas pour l’utilisation comme support de la peinture, mais pour me servir de la peinture comme moyen photographique».

L’apologie de Richter (sensiblement différente de l’approche d’un Morley) qu’il convient de replacer dans un contexte postmoderniste visant à remettre en question toute forme d’originalité de l’oeuvre d’art est toutefois dépassée au XXIe siècle, Laurent Proux recherchant en quelque sorte à en inverser le paradigme et à faire ressortir, par le biais de sources photographiques, une réalité de plus en plus abstraite.

Ceci vaut pour les ultimes Taxiphones (Sonnenallee Berlin) qui s’attachent, via les représentations de vitres, à provoquer des jeux de transparence et d’opacité. Mais aussi pour la série des offres et demandes (2009) où l’artiste fait tout particulièrement ressortir cette dimension. Quant aux dernières peintures, réalisées à partir de photographies de salles stockant des données informatiques, elles exacerbent les effets de matières, de miroitements et de reflets. Le résultat est sidérant.

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