Communiqué de presse
Laurence Courto
Laurence Courto
Laurence Courto travaille sur le temps, sur la « somme de mémoires » comme une mnémographe, restituant peinture et écriture dans un système de codes et signes.
Elle ne garde que la trace des formes : une ligne épurée, de signes exprimés par d’amples gestes d’encre sont motifs et deviennent silhouettes. « Peindre, c’est se remémorer au plus près de l’essence des choses, fixer une représentation dans l’instant » dit-elle. Pour retourner à l’origine, il faut se mettre dans un état de pensée qui assimile la peinture à une naissance.
La construction de l’image se fait dans la conscience de la naissance, d’une proto-image, support de l’imaginaire qui est une mémoire au-dessus de la mémoire. Il y a quelque chose de l’enfance dans la recherche matérielle et formelle de l’image originelle. Une psychanalyse de l’image sous-jacente à toute élaboration mentale qui tenterait de faire émerger la première représentation de l’enfant en effet miroir.
En remontant le fil du temps, elle s’approprie un vocabulaire plastique fait de signes et de formes immémoriaux pris dans les strates et la matière. L’histoire sous-tend notre propre histoire sous forme de palimpseste.
Le signe donne une nouvelle peau grâce à de nouveaux pigments ou nouvelles matières (la peau c’est le derme, l’épiderme et productions secondaires comme les poils).
L’usure du temps tanne la peau et polit la pierre. Ces signes archaïques s’intègrent à une facture contemporaine. Ces vestiges constituent au présent déjà des traces du futur.
Les peintres savent que la matière est mémoire du temps de la peinture, qu’elle garde les traces, les repentirs. Ils savent que la première couche qui vient des profondeurs tend toujours à vouloir faire surface. En quoi la profondeur est surface et la surface déjà profondeur.
Pour Susan Rothenberg comme pour Jasper Johns, la figure n’a pas de sens figuratif mais sert à renvoyer aux questions de la réalité du tableau. À la limite du lisible et de l’illisible, de l’écriture et du dessin, le travail de Twombly révèle la trace de strates mentales. Ce serait « la griffure » d’une expérience mentale.
Roland Barthes parle de son travail en 1928 : « c’est en somme une écriture dont il ne resterait que le penchement, la cursivité, cela tombe, cela pleut finement, cela se couche comme les herbes, cela rature par désoeuvrement comme s’il s’agissait de rendre visible le temps, le tremblement du temps ». Trace d’une écriture ? écriture de la trace ? c’est la problématique de sa démarche ; comme beaucoup d’artistes, Twombly est pétri de culture antique, de références à la poésie et aux mythologies.
Tout artiste se situe par rapport aux artistes qui l’ont précédé et à ceux qui lui succèdent, l’art ne peut venir que de l’art. Les toiles de Tapiès, de par leurs blessures, révèlent une archéologie de l’anonyme passion de l’humanité. « Toutes nos oeuvres ne sont peut-être que cela, des tentatives de réponse à cette grande question de la vie et de la mort, à cette inconnue qu’on retrouve toujours lorsqu’on arrive aux limites de la connaissance ».
Basquiat est dans une révolte par rapport à une identité et une culture multi-ethnique de la pauvreté urbaine au milieu de la société de consommation. « Every line means something » sur la toile, figures sombres et grotesques, mots, phrases, signes plus ou moins déchiffrables entrecoupés de couleurs stridentes « je ne pense pas à l’art quand je travaille. J’essaie de penser à la vie »
Laurence Courto se situe dans la filiation de ces artistes importants de la scène artistique. C’est tout un territoire qu’elle recouvre de graffitis, de traces, de signes créés. L’artiste nous invite à un voyage dans l’espace et dans le temps. Nous sommes happés par les formes, la lumière et les couleurs. Nous entrons dans le domaine du rêve où la frontière entre l’intérieur et l’extérieur est invisible, où coexistent les quatre éléments : solaire et aquatique, matérialité de la terre et apesanteur aérienne.
C’est un livre fermé, feuilles de mémoire, recomposition du monde, écritures fixées dans une sédimentation des idées. Le travail de Laurence Courto suppose l’audace du corps à corps avec la toile et entretient un rapport au temps et à l’espace.
Il procède par addition/soustraction. Le geste spontané est un concentré d’énergie, mémoire imprimée dans le corps, ce corps mémoire dont la main est l’outil, il déborde du cadre.
L’utilisation de l’encre de Chine pour sa rapidité d’exécution et son absorption par la toile ou par le papier est la contrainte imposée par l’artiste. Elle contraste avec la permanence du support brut recouvert par des couches successives de matière qui invite à la contemplation pour se perdre dans une intériorité et se plonger dans les strates du temps.
La couleur se situe dans le rapport avec le noir de l’encre. Elle atténue le propos et dilue la dureté du premier jet. Lumière, elle est lueur captive et aspire le spectateur pour être absorbé par la toile dans la toile.
La figure entretient avec le spectateur face à son apparition une réalité en suspens. La figure, c’est un prétexte ; des figures – corps allusifs dans la ténuité de leur tracé, dans la fragilité de leur énoncé qui s’enracinent dans l’intemporalité.